Les Iles de Fer. Un archipel peuplé d’innombrables crabes et méduses en quête perpétuelle de raids, de pouvoir, de butins. On ne peut pas dire que les Berger ont de l’importance. Nous n’avions que notre boutre, Le Poignard, avec mes  parents. C’est d’ailleurs dans la cabine de ce navire que j’ai vu le jour. Et oui, j’étais déjà sur les flots à voguer au gré du vent. Je passe mes premières années à observer Deska à la conduite du Poignard tout en découvrant la navigation. Ralf Berger se montre peu présent lors de ces années afin d’aider les Greyjoy à organiser leurs raids et à prodiguer aux guerriers fer-nés un entraînement qui leur servira sur la terre ferme.

Je ne me rappelle plus de notre première embardée sur le continent. Ce que je sais, c’est que j’étais plutôt jeune. A 15 ans,  je me suis rendu sur les côtes du Conflans et ce fut un raid âpre. C’est mon souvenir le plus lointain concernant mes voyages vers le continent. Mais aussi le plus marquant. Ce fer-né, seigneur d’une maison importante, est venu me parler tant j’ai su m’illustrer. Il s’appelle Harwyn Chenu. Certes, il est le seigneur d’une maison rivale des Greyjoy, la maison envers laquelle la loyauté des Berger répond. Mais, cet événement a su aussi m'ouvrir les yeux sur mon potentiel et ce monde qui livre maintes opportunités aux audacieux.

La vingtaine arrive et je me sens de plus en plus à l’aise. Mes choix en matière de navigation sont plus sûrs. J’ai une pleine confiance en mes capacités à croquer le monde qui se tient en face de nos îles. La flotte du Kraken saura faire appel à moi malgré les faibles moyens dont dispose ma maison. Tout ceci s’écroule en si peu de temps, tel un amoncellement de roches posées dans un équilibre précaire et qui s’effondre lourdement et bruyamment.  

Le Poignard est alors pris dans une violente tempête automnale. L’île d’Harloi apparaît salvatrice dans un premier temps. Or, il n’en est rien. Le boutre se fracasse sur les côtes. L’eau circule, ravine et emporte tout sur son passage à mesure que les vagues déferlent. Deska est emportée par la mer et Ralf a tenté désespérément de lutter contre ces chiens de Harloi qui n’ont vu dans Le Poignard qu’une nouvel objet de pillage. Après tout, ce n’est que le fanion de la maison Berger qui flotte au sommet du mât. Qui s’en révoltera ? Pas même les Greyjoy…

La maison Harloi me retient prisonnier durant deux ans. Deux ans !  Toute une éternité où je côtoie l’humidité d’une cellule hideuse et les railleries de Harloi. Le temps s’est écoulé d’une manière un peu surprenante, telle que je ne l’avais jamais vécue. J’ai presque l’impression que cela a duré toute une vie. La dernière relique de la maison Berger en train de voguer vers son crépuscule derrière les barreaux des Harloi…Tout ceci prend fin lors de la bataille opposant Chenu aux Harloi en -115. Harwyn Chenu s’est souvenu de moi malgré ma gueule encrassée et a profité de l’occasion pour s’octroyer quelques richesses des Harloi en sa qualité de vainqueur de la bataille navale.

L’air frais de la liberté se glisse de nouveau sur ma nuque. Harwyn Chenu m’offre aussi les moyens de faire renaître « Le Poignard », en l’hommage de mes parents. C’est un homme qui a sûrement ses défauts mais il ne peut être dans la même catégorie que les Harloi et les Greyjoy. Vickon Greyjoy n’a pas daigné bouger le petit doigt pour moi et me voir revenir sur Pyk en tant que banneret  m’agace et m’enrage à chaque minute qui passe. La rancœur retenue tant bien que mal, je vois « Le Poignard » prendre forme progressivement jusqu’à ce qu’il soit prêt. Cette fois-ci, je suis à la tête de ce navire. Et je n’entends pas baisser la tête aujourd’hui à cette réunion de seigneurs fer-nés. Tous ont des intentions, avouées ou non. Mais, il est certain que peu importe ce que souhaitent les Greyjoy et les Harloi…ils devront payer un jour ou l’autre leur mépris. Aujourd’hui, la maison Berger n’est pas assez puissante mais qui sait..la vie est un jeu dans lequel nous tombons et nous nous relevons. Et bientôt ce sera le tour de ces fumiers de Théomore Harloi et de Vickon Greyjoy. Depuis leur forteresse, la proue de leur navire…ça m’est égal.

Et puis, il y a cette fille chez les Timbal. Elle a des traits plutôt délicats pour une fer-née mais je n’oublie pas à quel point elle peut s’avérer pénible et caractérielle. Aussi, la flotte des Timbal, même si elle n’est pas démentielle, est tout de même décente, Cela peut présenter ses avantages et il faut donc que j’y réfléchisse. L’horizon des possibles est de nouveau ouvert devant moi. La rage au ventre.