Malgré son apparence de brute épaisse, il n’a jamais cessé de s’interroger sur les hommes. Il a observé des étendards fièrement dressés se froisser sous l’impact du vent. Il a vu l’intérêt de ses semblables pour l’or.  Son enfance à Highpoint n’a pas été de tout repos mais il a compris de par son sens de l’observation que les Hommes n’en ont jamais assez, qu’ils tombent toujours dans leurs travers. Qu’ils soient considérés comme honorables ou comme les pires raclures du Royaume. Il a vu de ses yeux d’enfants des convois de marchands essuyer des attaques soudaines. Il a entendu ensuite des nouvelles annonçant une chasse à tous ces brigands de grand chemin. En échange de pièces d’or, d’Honneur. Le cercle dans lequel les hommes évoluent est un cercle vicieux. Peut-être pour leur rappeler qu’ils ne sont que des mortels et qu’ils doivent mourir. Et que cette sentence est perpétuelle puisqu'ils engendrent. Harlan voit sa fratrie croître avec la naissance de Finn, Drake et Gwyn.

Bien des années plus tard, le schéma se reproduit. Finn rit brusquement avec légèreté. Personne ne sait vraiment ce qui se passe dans sa tête, pas même ses frères. Drake s’apprête à affronter le bâtard de la maison Frimas. Il le provoque du regard. L'air de rien. Comme si tout ceci est inévitable. Harlan tient ses hommes puisqu'il suffit de très peu pour que la confrontation devienne une bataille. Les deux rangées de nordiens se font face. Mais, tout ceci n’est pas le prélude d’une bataille rangée. Non, ils ne sont pas retrouvés en pleine campagne nordienne recouverte de cette neige s'étalant jusqu'à perte de vue dans ce but même si l'éventualité que cela se produise est dans toutes les têtes. L’air frais s’engouffre dans les poumons tandis que les hommes expirent des volutes d’air chaud et humide. Des corbeaux surgissent brusquement, croassant d’un arbre à l’autre. Quelques hommes de la maison Whitehill tiennent des chiens agités, grognant. Harlan sait que l’instant est critique. Il laisse son frère s’avancer au centre de ce rassemblement tandis que son opposant vient lui faire face. Les épées imposantes viennent se côtoyer, s’abattre l’une sur l’autre dans un fracas bruyant. Le combattant Frimas tombe au sol et Drake maintient sa position avant de s’aider de son pied pour retirer son épée. La joue ensanglantée, le frère d’Harlan s’en sortait bien. Il avait évité le pire de peu. D’ailleurs, on peut plus que jamais dire qu’il venait de frôler le pire. A peu de choses près, l'épée lourde de son adversaire aurait pu pousser Drake à s'effondrer immédiatement au sol. Néanmoins, il conservera l’héritage et le souvenir de ce duel sur son visage.

Cette vision amène Harlan à redoubler de détermination. Il sait que le jeu dans lequel il se livre est dangereux. Mais, le danger a rendu paradoxalement tout homme on ne peut plus vivant. Il se souvient de toutes ces histoires qu'on a pu lui raconter. Sur le Nord, sur les Premiers Hommes, sur les Andals. Ce sont les plus forts qui dictent, qui règnent, qui imposent. Quand il se tient seul dans la forêt, lorsqu'il s'entraîne à la hache sur des troncs d'arbre, il ne peut pas concevoir que le Nord puisse perdurer en l'état sous le pouvoir des Stark. Il en vient à imaginer un éclatement du Nord, un évènement qui mettrait au défi les Stark. Le Nord se souvient ? Un dicton qui met en avant la légitimité historique des Stark vis-à-vis de l'envahisseur mais pas leur capacité actuelle à rassembler.  

Les Stark pensent contrôler le Nord. Certes, c’est le titre qu’on leur donne. Il s’agit de la maison régnant sur le Nord dit-on. Mais, leur bien pensance les poussera à connaître des heures sombres. Les Bolton n’ont pas les mêmes scrupules, ni la même morale. C’est d’ailleurs pour cela que le lord de Fort-Terreur a été la tête pensante de l’élimination du convoi qui se dirigeait récemment vers Châteaunoir. Les Bolton ont sollicité leurs connaissances pour intervenir le plus discrètement possible. La maison Stark ne contrôle rien et les brigands sont légion. C’est le bruit que le Bolton, qui rêve de pouvoir en regardant les vestiges du Roi Rouge sur ses murs, veut faire courir.

Les Whitehill apparaissaient comme un premier choix pour intervenir. Ce sont eux qui ont la connaissance la plus fine du terrain au nord de Winterfell, à proximité de la kingsroad. Des chiens descendent en masse de ces collines parsemées de résineux pour fondre sur les gardes. Les chevaux des gardes hennissent et les hommes sans étendard surviennent dans une seconde charge. Cela ne prend que quelques minutes avant que le calme ressurgisse. Avec un tout autre décor. Les assaillants sont repartis se dissimuler dans leurs forêts, grimpant les collines avec les lames maculées de rouge. Le seigneur Rodrik n’a pas souhaité le moindre survivant. Harlan Whitehill, seigneur de sa maison depuis quatre ans, s’est exécuté en ayant consulté ses frères. Il ne s’agit pas d’obéir aveuglément aux Bolton. Les Whitehill savent pertinemment qu’ils lorgnent sur cet immense royaume, qu’ils veulent redorer leur blason et revenir à leur glorieux passé. Leur objectif à eux, aux chiens de Highpoint, est plus difficile à discerner. Ils ne veulent pas des codes, de la morale des Stark. Ils ne veulent pas non plus particulièrement des Bolton à la tête du Nord. Le désordre, voilà de ce dont ils sont les maîtres. Carl Whitehill a su transmettre à ses progénitures sa haine des Stark. Sa haine du monde l'a poussé à rester enclavé dans son fief tandis que ses descendants se montrent curieux à l'égard de ce qui les entourent.  

Les Whitehill prient les Anciens Dieux. Ils ont conservé un bois sacré derrière le mur de leur château. Finn écoute le soupir du vent et tente d’interpréter chaque bruissement de feuille comme d’une parole avancée par ceux qu’ils honorent. Les Whitehill ont commencé à se faire un nom parmi les brigands, les marchands et quelques nobles tandis que eux profitent du fait d’être dans l’ombre des Bolton. Les chiens de l'Hiver continueront d'avoir faim.