Au côté de Meryl, le niveau dans sa coupe n'était pas près de descendre de plus de quelques gorgées et les cruches de vin sont toujours aussi pleines qu'au début du repas. On dirait presque qu'elles n'ont pas de fond. Un peu comme Meryl quoi! Malgré qu'Aleria lui ait judicieusement demandé de ne pas trop picoler, leur amie n'entend pas terminer cette soirée sans avoir fait un ou deux pas de travers. Ça n'a rien d'étonnant et, à vrai dire, c'était même plutôt amusant. Sans s'enivrer autant, Lyra appréciait la pièce qui se jouait devant elles. Autant Aleria avait-elle grogné en recevant l'invitation à ce banquet que personne n'aurait pu imaginer à quel point les fers-nés seraient divertissants. Outre leurs manières peu orthodoxes, leurs allures peu communes et cette drôle de ressemblance qu'ils prêtaient aux bestiaux, ils offraient aux convives Biefois un spectacle auquel il valait le coup d'assister.

Au repas s’enchaînant avec les premières notes des festivités, plusieurs invités quittaient leurs sièges pour trouver la piste de danse. Une musique plus rythmée remplaçait les mélodies plus classiques. Les effluves d'alcool apaisaient les craintes et tous semblaient moins nerveux de partager le reste de la soirée avec ceux qu'on qualifiait de sauvages.

Même Aleria, la première à avoir levé le nez sur ces ignobles hommes des mers s'éloignait avec l'un de leur représentant. Alors qu'elle disparaissait parmi les danseurs, son père, le roi, profitant de l'instant pour venir sonder la compagnie de sa seule héritière. Que pensaient-elles de ces insulaires, sinon, plus spécifiquement de ce lord Salfalaise? Sa question soulevait plus qu'une opinion politique et si c'était vraiment ça qu'il l'intéressait, il ne se serait probablement pas arrêté pour si peu. Il fallait être idiot pour ne pas remarquer l'attitude désinvolte et intéressée de leur amie et de son partenaire de danse maladroit.

Peu volubile de nature, Lyra laissa Meryl donner une réponse sans manquer acquiescer ses propos d'un léger hochement de tête. À la fois en encore et en désaccord, elle se gardait de débattre inutilement. Aleria n'agissait jamais de façon irréfléchie et si elle laissait quelqu'un se mêler les pattes dans sa toile, elle devait avoir une idée. Comme le disait si bien Meryl, cet inaccoutumé batifolage cachait anguille sous roche.

N'attendant pas plus longtemps, Lyra termina sa coupe avant de se lever à la recherche d'un cavalier. Un dernier regard à l'allure moqueur pour la blonde qui terminait cul sec tout le vin qu'elle venait de se resservir. Lyra espérait que sa soirée ne se terminerait pas dans les jardins à tenir cette longue chevelure blonde à l'abri des conséquences de cette consommation d'alcool.

Elle accrocha la main du premier fer-né qu'elle croisa et pourtant pas n'importe lequel, il fallait bien se rendre utile alors que la discussion semblait être plus tendue. Partageant un bref regard avec la femme de ce dernier, loin d'elle l'idée de faire la cour à cet homme, elle ne l'empruntait que pour quelques danses et pour assouvir cette curiosité enfantine qui l'avait piquée.

«Ces danses ne sont pas dans vos coutumes, n'est-ce pas?»

Fit-elle remarquer, un angélique sourire à la commissure des lèvres, devant le désordre chorégraphique provoqué par leur présence.

( Pando )