Le Noyé aura le dernier mot (ft. Rhaelys )

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Le Noyé aura le dernier mot
AN -111, MOIS 01, SEMAINE 1Vieux Wyk, un îlot désolé parmi d'autres. Un lieu mystique, énigmatique qui prenait sa source entre mythe et réalité. Le Berceau d'une créature provenant de l'abysse. Les restes d'un monstre surgissant des profondeurs. Une île ou régnait autrefois Nagga, dans les eaux troubles d'une mer capricieuse se déchaînant sous l'impulsion de son corps gigantesque. C'est ici que tout avait commencée, que le règne de la gigantesque créature prit fin pour mettre sur le trône le Roi Gris. Le premier d'entre eux. Mille ans régnant sur les Îles de Fer. Dans sa forteresse, depuis son trône créer à partir de la puissante et effrayante mâchoire du titanesque serpent. Il dirigea notre peuple sous l'égide du Dieu-Noyé.

Depuis mon retour après plus d'une année d'absence en notre foyer. Beaucoup de choses avaient été accomplies tandis que d'autres restaient inachevées. Et bien que mon cœur souhaitait que la route soit longue depuis mon départ de Hautjardin. Salfalaise ne m'avait jamais réellement quittée. Aussitôt je retrouvais la lucidité et le tempérament abrupt, froid des Îles fer-nées. J'y éprouvais un certain désir, une sensation particulièrement familière. Il y avait pourtant d'avantages de choses à faire, tant d'affaires en suspend à régler. Je ne craignais pas la colère du Noyé, loin de l'océan et des embruns de l'archipel je pensais souvent qu'il m'avait laissé tomber. Dans le bruissement du vent, j'entendais pourtant sa voix me murmurant qui vais-je envoyé ? Et qui ira pour nous ? De part et d'autres des contrées, qui ferait acte de bravoure pour accomplir sa volonté ? Je priais et répétais ses mêmes paroles, chaque jour, chaque instant que le vent me portait ce souffle, cette inspiration. Ce que l'Antique Voie prônait. Je lui disais me voici, envoie moi. Et j'exaucerais ta Volonté.

Les navires mouillaient dans les eaux de Grand-Wyk. Fief d'Alrik Timbal j'avais pour raison qu'il prenne partie à mes côtés pour renverser Harwyn Chenu, qu'il prenne de la hauteur et qu'il honore sa parole. Celle qu'il avait donné il y a un an. J'entrevoyais là sa demeure, son fief décharné par les affres du temps, de l'air salin et de l'érosion sur cette forteresse délabrée.

Je me mettais à marcher à travers les ombres des pêcheurs et des guerriers. Dans l'antre humide et sombre de ce seigneur qui rêvait d'être couronné. Je me dirigeais promptement jusqu'à l'entrée, une silhouette fluette que j'avais peu coutume de voir et même de n'avoir jamais côtoyé.

« Je souhaites voir ton seigneur, sais-tu ou je pourrais le trouver ? » La questionnais-je le regard perçant scrutant de bas en haut la servante.

Le Noyé aura le dernier mot.
An -111, mois 01Cela faisait désormais plusieurs mois qu'elle était captive de cette île. Une prison à ciel ouvert. Rhaelys était l'esclave d'Alrik Timbal, seigneur du Vieux-Wyk et l'un des seigneurs des îles de Fer. Elle ne connaissait pas beaucoup ce peuple, toutes leurs coutumes, leurs traditions. Elle les voyait comme un peuple de sanguinaires et sauvages, vouant un culte à un dieu violent qui exigeait des sacrifices. Elle avait été abusée, souillée par l'un de ces hommes, son ravisseur et maître. Il avait pris son innocence. Et les larmes avaient coulé le long de ses joues. Les larmes, elle les gardait pour, pour la nuit, quand personne ne la voyait plus, recroquevillée sur sa paillasse dans une petite pièce derrière la cuisine.

Elle sentait les regards des hommes. Sa vie était difficile. On la bousculait, on lui mettait des bâtons dans les roues et on crachait dans son auge, la privant d'alimentation, maigrissant à vue d'œil, semblant plus frêle qu'à son arrivée sur les îles. Si fragile qu'un rien pouvait la briser. Recroquevillée, elle priait encore ses dieux. En vain. Les dieux étaient morts. Ils n'avaient aucun pouvoir ici. Impuissants. Plus personne ne pouvait rien pour elle. Tout ce qu'elle pouvait faire était se résigner, tenter de survivre, jour après jour. Subir et se laisser faire. Sans rien dire et sans opposer la moindre résistance à son maître, l'homme qui avait tout pouvoir sur elle. Celui de la sacrifier, de l'envoyer aux mines. Alors pour éviter ça, elle faisait de son mieux, obéissait aux ordres, essayant de masquer ce qu'elle ressentait pour cet individu.

Par une lucarne, elle avait observée le mouillage des navires, les hommes descendant sur les quais, prenant ensuite la direction de la forteresse de vieilles pierres. Un instant pensive, elle se reprit et continua les tâches qu'on lui avait assigné en l'absence du maître, parti sur d'autres îles. C'était tout ce qu'elle savait. Alors qu'elle s'apprêtait à traverser la forteresse d'un bout à l'autre, elle tomba face à la silhouette de l'un de ces hommes qu'elle avait perçu. Encore plus de fer-nés, songeait la jeune valyrienne silencieusement. L'homme la questionna. Il voulait savoir où était Alrik Timbal.

« Il est sur une autre île ».

Ignorant à qui elle s'adressait mais se doutant par son allure et par sa taille qu'il devait s'agir d'un autre seigneur, et pas qu'un simple guerrier.

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Le Noyé aura le dernier mot
AN -111, MOIS 01, SEMAINE 1Sa peau légèrement nacrée était plaisante. Que songeait-il toutes les femmes avaient un côté profondément ravissant. Parfois il les affublait de mots pour caractérisées leurs manières d'être. Les plus courants étaient ceux de sauvages, d'espiègles, de pernicieuses et d’alléchantes. Bien des créatures idylliques qui faisaient retentir en lui une appétence autre que celle d'un repas aussi gargantuesque que l'était son appétit. C'est sans doute son regard qui me frappa de plus près, il y avait un je ne sais quoi dans ces yeux qui marquait mon intérêt. Il y avait cette forme dérangeante et pourtant si familière. Comme une impression de déjà vu dont il ne touchait aucun mot. Il avait beau retourner le problème il n'y trouvait pas de quoi établir le lien qui faisait naître cette sensation étrange et passagère. Quoiqu'il en soit sa remarque sur ce qu'il était venu chercher ici le fit sourire.

Espiègle, je plissais mon œil droit sur la silhouette de la jeune servante. Ma barbe hirsute et négligée proliférait au devant d'un visage marqué par les privations et la guerre. Mon faciès avait passé beaucoup trop de temps au soleil, si bien que la peau du bout de mon nez pelait. Dorne avait bien des souvenirs, fragments et brides d'une lutte qui les ramenaient aujourd'hui ici. Un conflit qui n'était pas le sien, une cause qui n'était proprement pas la sienne.

« Il n'est pas ici tu dis ? Voilà qui ne m'arrange pas... »

Répliquais-je m'approchant sinueusement pour l'observer d'un peu plus près. La mâchoire carnassière se rétracte aux mauvaises nouvelles. Le Timbal n'était pas là et finalement tout ce chemin mené jusqu'ici pour rien. Une sorte d'impasse provisoire certes, mais qui me dérangeait. Je me ravisais alors que je cherchais à contourner d'une façon ou d'une autre sa présence j'y trouvais un tout autre intérêt.

« Je suis venu parler de certaines affaires. De choses et d'autres, un échange de banalités sommaire. » Faux, j'étais avant tout venu m'assurer de ses convictions avant qu'il ne retourne sa veste avec Harwyn Chenu. J'en étais moins contrarié que je n'aurais pu penser auparavant. Cela démontrait à quel point nous étions sans doute tous vouer à prendre part d'une certaine manière à son projet d'invasion conflanaise.

« Tu comptes me laisser entrer ou bien tu préfères que nous restons planté là ? » Je n'avais pas fais tout ce chemin pour rien et l'hospitalité d'un seigneur à un autre était de rigueur surtout quand il s'agissait de partager la pitance et la bière.

Le Noyé aura le dernier mot.
An -111, mois 01Rhaelys sentait son regard peser sur elle, comme s'il l'écrasait par son poids. Elle était habituée à être regardée, mais n'aimait toujours pas être regardée comme une proie, comme un morceau de viande, un os bien juteux dont les Fer-nés voulaient profiter si Alrik n'était pas capable de les tenir en laisse. C'était comme s'il voyait sous ses vêtements et c'était parfaitement déplaisant. Elle baissait la tête, ne voulant pas croiser son regard, assumant son rôle d'esclave, sa place. Dans le regard du fer-né, il y avait une curiosité. Semblable à celle qu'avait porté Alrik à son égard, émettant des doutes à son sujet. Elle cachait son ascendance valyrienne, n'étant pas certaine que cela joue en sa faveur si cela venait à s'apprendre. Si on perçait son mensonge. En attendant, la réponse de Rhaelys avait été très simple, expliquant que son maître, Alrik Timbal n'était pas au Vieux-Wyk mais ailleurs sur un autre caillou fer-né.

Rhaelys ne compris pas pourquoi il posait cette question. S'attendait-il à une autre réponse ? Avait-il besoin d'une confirmation de sa bouche qu'Alrik était bel et bien absent de son "domaine", pour peu qu'on puisse appeler ainsi un rocher et une forteresse en ruine.

« J'en suis désolée... »

S'excuse la petite esclave, même si elle n'y était pour rien. L'homme s'approcha d'elle, franchissant les quelques mètres, la dominant de toute sa taille. Au point où elle pouvait sentir l'odeur iodée de la mer et du rivage dans sa barbe hirsute.

« Très bien, mais cela ne me regarde pas. Je ne suis qu'une servante, Seigneur ».

Ajouta la jeune fille aux cheveux cendrés.

« Non, bien sûr ».

Elle le conduit dans la pièce de réception, souvent plus remplie par les hommes et lui expliqua qu'elle allait chercher à boire et à manger pour leur hôte.

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Le Noyé aura le dernier mot
AN -111, MOIS 01, SEMAINE 1« Aujourd'hui peut-être, demain qui sait ? »

Je lui octroyais cette vision sur elle. Certes elle n'était qu'une servante mais cela n'avait pas toujours été le cas. Tout les esclaves des Îles de Fer ont des histoires parfois banales, sommaires, les deux à la fois même. Le visage de cette jeune servante avait cette expression revêche qui agit avec la prudence d'un chat courroucé mais qui a trop peur pour se mettre en colère. C'était aux dépends de Mahlah qu'il avait apprit à reconnaître cette forme involontaire d'émancipation. Le faciès lui ne trompe pas pour peu qu'on sache reconnaître certains aspects.

Ils finirent par entrer, à la bonne flambée du feu dans l'âtre je laissais mes mains se frotter puis les tendre quelques instants le temps de me réchauffer. Son caillou ressemblait tout autant qu'au mien bien qu'il soit plus grand et situé plus au nord. Il n'y avait rien à envié à Timbal pas même sa propre salle ou il accueillait ses camarades. L'endroit était étrangement calme, à quoi donc jouait Timbal en allant sur les îlots de fer et de limaille de sel ? Il y avait un soupçon d'aigreur dans cette réflexion. Lui qui pensait resté dans son fief moribond avait préféré le concéder au détriment de la vie de leurs frères d'armes. On appelle sa de la lâcheté Timbal à moins que les dorniens ne se soient joués de toi.

Elle revient finalement avec de quoi manger. Oh je ne m'attendais pas à bien grand chose d'autres que du poisson séché, quelques harengs qui seraient encore à traîner dans le sellier. La boisson serait suffisante pour rassasier le creux qui se forme dans mon ventre.

« Tout le monde a une histoire à raconter, me raconterais-tu la tiennes si je te le demandais ? »

J'esquissais un sourire avant de prendre place sur l'un des bancs pour sentir la chaleur du feu dans mon dos. J'avais sans doute bien mieux à faire maintenant que je savais que Timbal ne reviendrait pas de si tôt sur son rocher désolé. J'en profitais donc pour prendre des informations là ou il y en avait suffisamment pour s'informer. Les esclaves écoutent aux portes, ils ont les oreilles grandes ouvertes et ne se taisent dans l'absolu que pour éviter les coups malavisés de leur maître.

Le Noyé aura le dernier mot.
An -111, mois 01Que sous-entendait-il par cette question qu'elle pensait rhétorique. Il n'en savait rien. Comme elle. D'aucun savait ce que le futur leur réservait. Les dieux qu'elle aurait pu vénérer n'avaient aucun pouvoir ici, loin de leur culte originel. Ils étaient morts, l'avaient abandonnés. Elle était une esclave et elle risquait de l'être encore un long moment. Peut-être des années. Elle n'avait aucun moyen de quitter cette île et Alrik ne lui rendrait jamais sa liberté. Rhaelys était prudente car elle avait conscience de cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Pourtant, son caractère avait évolué par cette rude existence sur les îles de Fer. Il y avait de l'âpreté sur son visage, un sentiment qu'elle taisait, qu'elle gardait précieusement pour elle après tout ce qu'elle avait subie jusqu'alors. Elle ne se sentait pas forte mais pourtant elle était bien moins fragile qu'à son arrivée, bien qu'elle ne se sente pas complètement adulte. On l'avait privé de beaucoup de choses. Sa vie, au long de ces dernières années, avait été beaucoup bousculée par les événements. Entre la mort de sa famille, son errance, sa capture par des pirates fer-nés et les traitements qu'elle avait dû subir du Timbal. Elle était ainsi partagée entre la rancœur et la crainte, cette dernière l'obligeant à se résigner et à assumer cette vie d'esclave. L'homme la regardait, voyait en elle même s'il ne disait rien. Et elle, n'avait pas répondu à sa fameuse question, en ignorant le sens, le message qui pourrait y être caché.

Rhaelys l'avait guidé jusqu'à une salle de réception, déserte, moins remplie que lors des célébrations qu'organisait Alrik Timbal, que ce soit après des raids victorieux ou pour d'autres occasions. Le feu crépitait encore, réchauffant la pièce qui était aussi froide que le reste du château. Le climat, c'est quelque chose auquel elle avait dû s'accoutumer, n'étant pas celui de la Valyria ni de Volantis. S'absentant pour se rendre en cuisine, elle le laissa prendre ses aises, ne revenant que quelques instants plus tard avec une assiette sur un plateau et une chope pour la bière.

« Ma vie n'est pas très passionnante. Je ne voudrais pas vous ennuyer... »

Répond la jeune valyrienne qui avait pris l'habitude de garder beaucoup de chose pour elle. Elle ne parlait qu'à quelques personnes et était évasive quand il s'agissait de parler d'elle, de ses origines. Mais s'il lui demandait, s'il insistait, elle devrait se plier à l'exercice, ne pas courroucer leur hôte. D'autant qu'il ne risquait pas de partir. Pas tant qu'il n'aurait pas vu le Timbal. Certes, elle entendait des choses. Elle avait des yeux et des oreilles, mais comme elle l'en avait informé, elle ne savait pas le motif de l'entretien avec le Timbal et ça ne le regardait pas davantage.

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Le Noyé aura le dernier mot
AN -111, MOIS 01, SEMAINE 1L'écho du vent soufflant vaillamment arrivaient jusqu'aux oreilles emmurés dans ce fort rudimentaire. L'on entendait son souffle de part et d'autres des brèches qui laissaient s’immiscer sa présence à la notre. La pièce était un peu plus plongée dans l'obscurité. Un voile d'ombre auquel quelques bougies et torches véhiculaient un inquiétante quiétude à travers un silence qui ne tarderait pas à disparaître. Un râle profond raisonna au tréfonds de ma gorge inspirant profondément en levant les yeux en hauteur.

« Tu as raison... La mienne l'est sûrement plus, cela ne fait aucun doute. »

Déclarais-je un brin taquin souriant en obtenant boisson et nourriture. J'avais toujours eu l'esprit en ébullition, partout ou mes yeux se posaient une curiosité morbide s'animait. Parfois le soir il n'y avait ni nuages, ni lune, ni ciel. J'expirais d'entre mes narines l'air qui emplissait mes poumons et instinctivement je prenais le chemin de ronde pour une ballade sommaire. Je pouvais entrevoir au loin l'océan lugubre et sombre, celui qui m'avait vu naître sur les rivages de Salfalaise. Au bord d'un précipice bien plus imposant que celui-ci, le promontoire rocheux contre lequel le ressac des flots avait façonner mon île.

Nous autres insulaires sommes des monstres à l'image de notre créateur. Le continent craint notre soif de gloire et cette force d'accepter la mort quand elle est à portée. Ces nuits sans sommeil me permettaient souvent de songer à l'avenir. À la façon tortueuse dont mon esprit maladif s'adapterait aux pires exactions pour en créer toujours de nouvelles plus abjectes et sanguinaires. Un mythe ne s'entretient pas qu'avec de sombres histoires sur nos îles. La tradition orale s’accompagnait d'actes forts et machiavéliques. Alors nous autres seigneurs des Îles de fer participons à entretenir ces nuits d'insomnies. Je pouvais voir dans le reflet de l'eau mon faciès aux traits émaciés, cette barbe hirsute imprégné d'un mélange de sang et de salive. Ma mâchoire acérée déchiquetant à pleine dent la gorge d'une énième victime laissant son corps retombé à mes pieds. Mes yeux injectés de sang, mon visage recouvert du sang d'un autre inexpressif. Nous sommes pas nés fer-né, nous le devenons au fil du temps et c'est ce qui rendait nos terres aussi rudes et inhospitalières. Je pouvais entrevoir dans des cauchemars séculaires des montagnes de cadavres et d'ossements jonché le sol fait de sel et de limaille de fer. Je pouvais ressentir cet enivrement, ce poison coulé dans mes veines consumant l'homme pour laisser peu à peu place au monstre des profondeurs marines. J'ai créé une bête à l'intérieur de ma tête. Il me dévore vivant, à l'intérieur de mes entrailles je pouvais sentir la créature tapis dans l'ombre se repaître de ma chair et se délecter de mon sang. Ces mêmes monstres qui vous tiennent éveillés la nuit. Ceux là même que nous apprivoisions pour faire face à la peur jusqu'à ce que notre sang soit froid comme la pierre.

Mon corps se risqua de jauger sa silhouette à la chevelure blanche et de ce regard dont la couleur m'échappait. Je n'avais jamais rien vu de comparable, une forme de pigmentation violet dont il appréciait le contact visuel. Mon œil droit se plissa et un sourire carnassier s'afficha naturellement en reprenant de plus belle :

« Jamais de ma vie je n'ai vu pareil regard. »

Lançais-je avant de reprendre joignant mes mains pour m'accouder sur la table.

« Racontes moi, j'ai envie de savoir d’où tu viens. Quels sont vos mœurs, vos traditions ? Quel dieu priez-vous ? »

Le Noyé aura le dernier mot.
An -111, mois 01Le vent sifflait entre les vieilles pierres du Vieux-Wyk. Il s'insinuait par les interstices, apportant le froid, faisant grelotter les corps qui ne pouvaient se réchauffer auprès d'un feu crépitant dans l'âtre ou sous une marmite. Rhaelys devait s'en accommoder, s'en protégeant le soir avec quelques couvertures rapiécées, trouées. Elle détestait ça. Et détestait cette vie d'esclave. Telle n'était pas sa place. Le Vieux-Wyk était sa sinistre prison, à défaut de cage et de fer, cette vieille ruine et ces pierres, cette île, son tombeau. La salle de réception était calme mais plongée dans une semi-obscurité. Quelques bougies et torchères brûlaient, apportant de l'éclairage à l'intérieur. Elle se retrouvait seul avec l'hôte de son maître, forcée à la conversation avec une autre brute de Fer-né.

« Je n'en doute pas ».

Se contenta de répondre la jeune esclave. Une vie de viols et de pillages était certainement bien plus rythmée qu'une vie de tâches, de corvées de ménage, de pêche et de cuisine. Elle servit son hôte en silence, se contentant simplement de s'acquitter de sa tâche qui n'était pas bien compliquée.

Dans ce silence, simplement ponctué par les bruits de bouche, elle se prenait à rêver. Quand elle voyait l'océan à perte de vue par une lucarne ou depuis l'extérieur, elle rêvait de rentrer chez elle. Mais elle n'avait plus de chez elle. Volantis n'était qu'un lieu de résidence mais elle n'y était certainement plus la bienvenue. Alors elle rêvait simplement de quitter cette île. Pour aller n'importe où sur le Continent. Rien ne pourrait être pire que le Vieux-Wyk et les îles de Fer, songeait la jeune valyrienne qui ressentait le mal du pays. Sa terre natale était bien loin. Sa terre natale n'existait même plus. Et elle était seule. Personne ne soupçonnait son existence dans le vaste monde. Se perdant loin, elle imaginait une rencontre. Avec un être qui ne la ferait plus jamais se sentir seule. Mais c'était inenvisageable. Cela n'avait pas de chance d'arriver. Juste un rêve pour s'empêcher de tomber dans la folie sur cette île, pour ne pas plonger simplement dans les eaux glacées pour y être avalée par le Dieu Noyé que les autochtones vénéraient tant.

Elle sentait ce regard prédateur, mais que pouvait-elle avoir à y dire. Lui, était libre. Et elle n'avait aucun ordre à lui donner, aucune raison de se soumettre. Elle ne pouvait encore moins le menacer. Avec quel force ? Avec quelle arme ? Un couteau rouillé. Répulsée par le sourire carnassier qui s'affichait au coin des lèvres mais toujours silencieuse. Rhaelys se voulait imperturbable.

« Des bas-fonds de Volantis. Il y a le culte de R'hllor ou du Maître de la Lumière. On voit beaucoup de prêtres prêcher dans les rues ».

Répond la jeune femme, taisant les dieux valyriens qu'elle connaissait mieux par ses origines.

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AN -111, MOIS 01, SEMAINE 1Assis le dos à demi voûté j'écoutais attentivement ce que la petite servant au regard améthyste avait à dire. Volantis était une gigantesque citée, plus majestueuse et plus clinquante que n'importe quelle capitale disait-on. Une civilisation à l'apogée de sa grandeur. Je n'en savais que trop peu mais la petite tête blonde m'offrait un avant-goût de ce qui pouvait attendre un parfait étranger.

« Un jour j'irais voir ça de mes propres yeux. »

Déclarais-je le regard brillant d'une flamme empreint d'intrépidité. Cette fougue et cette soif de voir le vaste monde était commune aux insulaires mais très peu savaient l'utilisé.

« Cela te manques ? »

Questionnais-je avec dans un coin de mon esprit la réponse prévisible de celle-ci. Je m’accommodais de finir le repas généreusement apportée par celle qui n'avait plus son mot à dire, privée de ce libre arbitre qui la faisait se sentir libre.

« Les choses doivent te paraître bien différentes ici. »

Ironisais-je dans un sourire que je dissimulait en terminant la bouchée que j'avalais tout rond au fond de mon gosier.

Le Noyé aura le dernier mot.
An -111, mois 01Rhaelys connaissait bien sa place. Elle n'était qu'une petite esclave. Ainsi, elle n'était pas très loquace et avait appris à se taire, à bien choisir les mots qu'elle prononçait. Elle se montrait très prudente. Pour garder la tête sur les épaules d'une part mais aussi pour cacher son ascendance valyrienne. Elle était une des dernières de son peuple. Elle préférait que cela ne se sache pas, craignant la vie qu'on pourrait lui mener si cela se découvrait, qu'elle soit convoitée pour de bien mauvaises raisons. Depuis qu'elle était au Vieux-Wyk, elle avait réussi à conserver son secret. En réalité, une seule personne était au courant mais il semblait qu'elle n'ait pas partagé le secret de la jeune fille. Ce qui était rassurant en sachant que cette personne était la seule qui se distinguait des habitants de cet îlot et des îles de Fer en général. Le Fer-né voulait qu'elle lui parle de Volantis, alors elle commença, y ayant séjourné quelques années et ayant connu les bas-fonds. Même si elle n'était pas native de Volantis mais de Valyrie. C'était là son véritable foyer. Un foyer rasé, dévasté et désolé. Rhaelys ne répondit d'abord rien. Si cela lui faisait plaisir, qu'il s'y rende. Elle n'en avait rien à faire, même si une part d'elle aurait aimé y retourner, pour retrouver une personne, essayer de s'excuser.

« Pas vraiment. Même si c'est certainement le paradis à côté de cet endroit... »

Songea hautement la jeune esclave qui détestait son statut d'esclave, d'objet, de possession. Elle appartenait à Alrik Timbal qui faisait tout ce qu'il voulait d'elle, y compris les pires horreurs. Il l'avait souillé. Sans demander son avis, son consentement. C'était dans les mœurs, les coutumes des Fer-nés. Si elle avait le pouvoir de revenir en arrière, elle ne ferait pas les mêmes choix, les mêmes erreurs, ne sacrifierait pas une chose à laquelle elle était attachée.

« Très différentes. J'en viens à me demander comment les Fer-nés ont pu survivre autant de temps...»

Ils n'étaient pas une civilisation très brillantes. Ils n'étaient pas des architectes, du monde de la finance. Leur culture se résumait à bien peu de chose. Ce n'était pas vraiment une provocation, juste un constat. En fait, elle avait la réponse. Ils devaient cette survie à ce qu'ils pillaient, ce qu'ils étaient incapables de produire par eux-mêmes.

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AN -111, MOIS 01, SEMAINE 1L'impertinence de cette fille n'allait sans doute pas être une chose facile à vivre. Je préférais pour ce qui me concerne m'en amuser. Après tout c'était le problème et le lot d'Alrik et non le mien de gérer ce genre d'enfantillages.

« Essos est une terre d'esclavage de ce que j'ai pu entendre dire. »

Répliquais-je quand elle glosait à mes esgourdes que nous étions primitifs, archaïques, dépassés. C'était une vérité qui nous valait le méprit et le dédain de nos adversaires. Le jugement qu'on faisait sur nos Îles était sans doute avéré mais, qui en avaient vraiment quelque chose à foutre ici ? Quand la conscience ne s'élève pas, qu'elle reste pieds et poings liés à une doctrine orale. Il y avait peu de chance que celle-ci face germer les graines du progrès dans cette mare d'eau salée et stérile.

« Mais à la différence des grandes citées les esclaves ici peuvent s'élever. Certains échappent à cette condition propre aux peuples vaincus. Aujourd'hui la jeune fille est une esclave mais, demain que seras-tu ? On ne naît pas fer-né on le devient n'oublie jamais cela. »

Il y avait cette forme de fatalité à laquelle les contrées insulaires pouvaient contribuer dans beaucoup de regards. Sa jeunesse parlait pour elle mais, c'était bien cette vivacité qui lui permettrait de survivre. Comme elle lui rappelait celle qui avait finalement finie par le trahir. Il l'avait aimé autant qu'il la détestait aujourd'hui. Cette pensée le faisait sombrer dans des idées noires, dans les profondeurs que son cœur dessine. La vengeance animait son sourire carnassier. Je posais ma hache au devant de la table à la portée de ma main rugueuse aux phalanges creusées par le sel et le contact de la limaille de fer.

« Sais-tu te servir d'une arme ? »

Le Noyé aura le dernier mot.
An -111, mois 01Rhaelys pouvait être prudente et discrète, et parfois cynique et plus impertinente. C'était sans doute à cause de sa situation sur les Îles de Fer, sa condition d'esclave. Ainsi, elle était constamment partagée entre la peur, la crainte et la rancœur, le dégoût de tout ce qui avait attrait aux Fer-nés. Et ici, il y en avait partout. Elle ne voyait en ces hommes que des brutes épaisses, sans aucune once d'égard ou de clémence, sans aucune pitié pour la dignité humaine. Ô, la valyrienne détestait plus que tout cette situation et cela faisait déjà un moment que cela durait. Cela faisait un moment qu'elle avait été enlevée par les pirates des îles et par Alrik Timbal qui était leur chef. Le Fer-né avait fait d'elle son esclave. Elle était sa propriété. Un simple objet dont il pouvait user à sa guise. Personne ne lèverait le petit doigt pour elle. Et ça, elle en avait bien conscience. La pique du Salfalaise fit réagir la jeune femme, même si elle ne voulait pas le montrer.

Elle savait qu'il y avait de l'esclavage à Volantis. Elle n'était pas aveugle. Elle l'avait vu de ses propres yeux quand elle avait trouvé refuge dans les bas-fonds de la ville. Bien avant qu'un groupe lui sauve la vie en l'accueillant en leur sein. C'était plus facile de survivre à plusieurs. Et elle comptait pour quelqu'un, même si la relation qu'elle entretenait n'était pas sentimentale. Cela faisait juste du bien, à l'époque, de savoir qu'il y avait quelqu'un à ses côtés. Elle méprisait ces geôliers, tout en rêvant du jour où elle pourrait quitter ces îles. Et cette pensée était bien la seule chose qui l'empêchait de se jeter d'en haut d'une falaise...

« Je ne serais jamais une Fer-née, si c'est ce que vous insinuez... Je ne serais jamais comme vous ».

Dit la Valyrienne en se retournant pour l'observer dans les yeux. Elle connaissait, grâce à Khaelys, la signification de femme-sel et c'est certainement ce que leur hôte voulait lui dire. Mais à ses yeux, ce n'était pas une élévation. Certes elle serait dispensée de certaines tâches, mais ces tâches seraient remplacées par de nouveaux devoirs, de nouvelles obligations. Et pour rien au monde, elle ne voulait devenir l'épouse de l'homme qui l'avait privé de sa liberté.

Chaque jour, elle faisait ce qu'il fallait pour survivre. Elle ne vivait pas, elle survivait. Elle était profondément malheureuse, mal dans sa peau sur ce rocher, mais personne n'en avait que faire. Elle gardait bien sa peine pour elle. Et essayer de ne pas paraître trop faible, trop vulnérable devant Alrik et ces oppresseurs.

« Pas vraiment, non... »

Répond simplement la jeune valyrienne, d'une manière très laconique.

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Le Noyé aura le dernier mot
AN -111, MOIS 01, SEMAINE 1« Si tu veux survivre il va bien falloir. »

Rétorquais-je dans un regard qui laissait plané les potentielles sévices qu'une jeune fille de son genre pouvait subir. Peut-être en avait-elle déjà fait les frais d'ailleurs. Il se laissait croire que vu le comportement de celle-ci il y avait peut-être une chance que se soit le cas. Il prit une gorgée de bière qu'il savoura moins bien que la dernière. Devenir un fer-né peut-être n'était ce la pas la finalité. Mais ce qui était sûr c'est quand recouvrant à sa liberté elle n'aurait plus à subir la malveillance de son seigneur.

« Si tu ne veux pas être l'une des nôtres... Tu resteras une esclave quelconque toute ta misérable vie. »

Mon regard se perdait dans la salle. Le vide de celle-ci détonnait par le passé ou il avait vu les longues tables ornées de victuailles et des trésors issu des pillages de leurs aïeux. C'était une époque pas si lointaine. Il se releva époussetant les pans de ses habits avant de reprendre dans un soupir de satisfaction.

« Dis à Timbal que je suis passé. Je te souhaites bonne chance dans ta nouvelle vie. » Ironisa-t-il avant de tourner les talons et reprendre le chemin de la sortie.

« Si un jour tu changes d'avis, je pourrais t'apprendre à te défendre. »

Déclarais-je alors que l'écho de ma voix se fasiait plus forte dans l'enceinte du fief. Au moment ou ma main s'apposa sur le rebord de la grande porte je l'observais un bref instant avant de disparaître vers l'extérieur.

« Cela peut-être utile pour tuer tes ennemis. »

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Le Noyé aura le dernier mot (ft. Rhaelys )

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