Dans l'endroit régnait une certaine forme de joie paillarde, bruyante et encouragé par ses guerriers braillards. Les cœurs en fêtes depuis leur retour à Vieux-Wyk il y avait la chaleur d'un âtre bien placé dans la grande salle. Les beuglements des hommes s'apparentaient à l'aboiement des chiens. Eux pour autant tendaient seulement l'oreille la queue entre les jambes chipant un os dépouillée de sa chair quelques instants auparavant. Dans cette ambiance triviale Alrik Timal jouait l'hôte et le seigneur bienveillant. Il gardait à l'esprit les mauvaises fortunes qu'il dissimula sans peine à Harwyn la Poigne. Son regard bien fixé sur l'avenir se ridait dans ses rires et sourires graveleux.

Dorne n'était plus, il n'avait aucune nouvelle de son frère ni le moindre corbeau en provenance de Salrivage. Voilà qui était une mauvaise passe mais, il n'en démordait pas. Un jour il retournerait là bas venger la mort de son frère et reprendre son bien. Il gardait scrupuleusement le papier que la princesse dornienne lui avait produit sous ses yeux. Tant d'aventures, tant de batailles et d'exploits à connaître. Le Conflans serait sa prochaine destination à lui et ses redoutables guerriers.

Il se retira en saluant humblement ses hôtes. Il avait la vessie pleine et l'esprit bien embrumé. Alors il se dirigea mollement vers sa chambrée. L'écho des rires se faisaient bien moins virulent à l'ouïe ivre du fer-né. Dans un coin de la pièce non loin de sa couche était recroquevillée la filiforme silhouette. Les cheveux d'un or blond si pâle qu'on pouvait les confondre avec ceux des sorcières matrones et vieilles mégères. Alrik cru un moment voir un fantôme il lui extorque.

Alrik : Que viens-tu faire ici encore à me tourmenter ?

Sa parole s'estompe dans la pénombre avant de réalisé qu'il s'agit non pas de sa femme décédée mais de la petite garce qu'il avait récupéré. Sur ce rafiot coulé au fond de l'océan il s'était accaparée des esclaves et sa part du butin la plus convoitée.

Alrik : Approche, approche... N'est pas peur. Je ne voulais pas t'effrayer... J'ai cru... Peu importe ce que j'ai cru voir. Vient donc m'aider !

Ordonne-t-il pour raffermir son autorité. Il avait besoin d'aide pour se délesté de la boucle de son ceinturon et troquer sa tenue de guerrier contre des vêtements plus accommodant pour se restaurer.

Vitreux est son regard,  un avant-goût des innombrables aspects qu'un insulaire peut avoir. Il y porte un certain dédain, c'est la voie qu'ils ont toujours connu et c'est ce qui les rends si monstrueux et si symbolique. Les mœurs, idéaux, croyances voilà un mélange de toute cette barbarie mystifié dans la cruauté et la peur qu'ils font éprouver à leurs ennemis. La jeune femme ou jeune fille difficile de savoir réellement ce qu'elle est tant sa silhouette filiforme la rend plus enfantine que ce qu'elle n'est à priori. Dans le timbre de la voix du fer-né il laisse mûrir un râle  dans lequel les relents d'alcool se font entendre et sentir.

Alrik : Aide moi à retirer mon plastron.

Tonne-t-il l'air renfrogné relevant ses bras il désigne les attaches et lacets qui permettent de plaquer son armure convenablement et protéger le corps des éventuels blessures.

Alrik : Ne crains rien tu es en sécurité ici. Tant que je serai en vie


Ricane-t-il dans une volonté de l'avertir qu'il ne fallait pas qu'elle tente quoique se soit contre lui. Si elle voulait vivre et ne pas toucher plus profondément le fond il fallait qu'elle poursuivre une ligne directrice qu'il lui expliquerait au fur et à mesure de son temps passé ici. L'observation de la tête blonde lui faisait songer à des questionnements auquel il n'avait jusqu'alors pas réellement pensé.

Alrik : D’où viens-t-u d'ailleurs ? De quelle contrée ta misérable existence a t-elle été extirpée ?

Cette jeune fille était taiseuse sur ses propres pensées. On pourrait aisément entrevoir la trahison dans ses yeux si il n'était pas aussi grisé. Dans le souffle glaçant et si singulier de sa respiration il ne peut que s'en amuser pour l'instant... Alors quand elle lui dévoile le nom de la citée éclatante de Volantis son regard brille d'une lueur comparable aux reflets des diamants.

Il laisse tomber son armature de cuir au sol avant de se saisir mécaniquement du poignet de celle-ci et la tirer contre lui. Il observait ses deux opales violines, un étrange pigment colorant ses iris dans la pénombre il n'en distingue pas clairement toute la beauté imperfectible. Il n'avait jamais été aussi loin avec ses hommes et ses navires. Le Dieu des tempêtes était capricieux et leurs vivres trop amoindries. On savait aussi que leurs eaux regorgeaient de monstruosités plus morbides et tout aussi dangereuses que les krakens.

Alrik : Volantis est une bien belle citée. Qu'est ce qui ta poussée hors de ses murs ?

La question était presque censée si il n'avait pas la prestance d'un homme qui s'apparentait plus à l'ivrogne qu'au sage à la barbe fournie et au front plissé.

Il grogna sous la demande de la jeune femme. Cela ressemblait plus à un ordre et cela ne lui plaisait pas. Il relâcha son emprise sur elle avant de s'asseoir sur l'amas de peaux de bêtes. Dans un geste de la main il lui indique qu'elle peut parler. L'alcool le rendait aigre mais, pas complètement stupide. Il avait ses intérêts. Il nourrissait d'avantage sa dominance auprès de ses guerriers par la violence qu'envers une pauvre gamine écervelée.

Alrik : Je t'écoutes.


Se met-il à dire en observant la chevelure blanche de Rhaelys. D'ailleurs il ne connaissait rien d'elle pas même son nom. Jusqu’ici rien ne le préoccupait plus que de retourner combattre pour se venger de ce qu'on lui avait prit. Le silence faisait souvent office de prémisse au chaos. Et quel serait le sien ? Dans quelle contrée et pour quel roi ? Tout était brouillé et confus dans son esprit.

Sa chevelure blonde presque impalpable rendait son visage particulièrement caractériel. Elle ne semblait pas se jouer de lui ni même de se soucier de ce sort qu'il lui réservait. Pourtant Alrik lui était bien prêt à affirmer qu'elle était à lui désormais. Qu'elle ne serait plus jamais la même, que de là ou elle venait le paradis semblait bien doux face à l’âpreté des Îles de Fer. Finalement Il l'avait lâché s'asseyant sur l'amas de peau bien matelassé. Un confort que trop peu de gens pouvaient avoir ici et jouir de cette forme de privilège était le sien et celui de sa famille. Voudrait-elle en avoir l'acquis ? Il faudrait alors songé à se montrer plus docile et servile.

Une erreur effectivement c'était sans doute le choix le plus stupide qu'elle avait fait dans sa misérable petite existence. Là ou elle fut autrefois était sans doute le seul endroit qui aurait pu la préserver de cette noirceur particulière aux Îles de Fer.

Alrik : Je vais t'expliquer comment fonctionnent les Îles de Fer... Et si tu es suffisamment vaillante qui sait on pourra peut-être faire quelque chose de toi... Mais n'oublie pas désormais tu es à moi.

La chevelure d’albâtre comme les algues de mer ondulant le long de la grève était un plaisir non dissimulé à regarder. Il passa sa main dans celle-ci laissant ses doigts entrelacer la chevelure de celle-ci avec une certaine douceur. Quelque chose de bien trop inattendu chez lui. La fureur et la violence c'était son quotidien. Dans toutes les situations inimaginables et les plus tordues même si on disait de lui qu'il était le bras armé du Dieu-Noyé il restait quelqu'un de singulièrement grossier. Non pas qu'il ne soit pas apte à quelques civilités après tout il en avait déjà fait la preuve en ne lui montrant pas de prime abord cette force et cette cruauté dont il pouvait faire part. Il agrippa la chevelure tirant sa tignasse avant de lui rétorqué de son haleine brumeuse et sentant la bière.

Alrik : Tout. Tu seras exactement tout ce que je veux que tu sois.

Il caresse la chevelure de celle qui pourrait un jour être plus qu'une simple esclave. Il aime voir dans son regard cette peur et cette forme d'envie insatiable de survie. C'est cette lueur là qui permet aux fer-nés de survivre et c'est comme cela qu'elle finira par s'habituer à cette nouvelle vie.

Alrik : Tu n'as rien à craindre la peur fait partie de nous, elle est en toi comme dans tout être vivant. Nous autres les fer-nés nous l'embrassons avec force et courage et c'est ce que tu vas apprendre à faire toi aussi. Ou tu mourras.

Ses mots sont d'un timbre de voix bien plus monocorde et plus posé et d'autant plus violent pourtant. La vie des esclaves était ainsi faites. Il y avait bien des bas dans cette situation qui fut la sienne mais elle pouvait être tombé sur bien pire monstre que lui. Elle estimerait heureux le jour ou le Timbal avait posé son regard et jeté son dévolue sur sa petite personne insignifiante créature qu'il ne manquerait pas de dompter et de façonner à sa façon à bien à lui.