J’étais allongée sur le dos, regardant la bâche sale et tâchée du chariot dans lequel j’étais couchée, j’entendais mon beau-père parler avec ma mère et de là où j’étais, je sentais son odeur âcre de transpiration. J’avais vécu seule avec ma mère, et mon grand-père, jusqu’à mes cinq ans… puis elle s’était trouvé cet homme depuis… peu de temps. Comment dire que je ne pouvais même pas supporter de sentir. Je serrais plus fort Luohe contre moi, frottant mon nez à son tissu usé. Il faudrait que je demande à maman de la réparer. Je me redressais un peu pour m’appuyer contre l’ouverture du chariot pour regarder le paysage devant moi.

« Tu sais Luohe… Je me demande où on va s’arrêter… Peut-être qu’on va s’arrêter quelque part près de là où est mon père. Enfin, où il est mort… T’en penses quoi ? »

Ma poupée ne répondit pas. Du haut de mes six ans je l’observais avec attention avant de regarder encore une fois le paysage, serrant ma seule amie contre moi. Comme d’habitude, on s’arrêterait dans un petit village pour vendre et acheter tout et n’importe quoi… Je soupirais avant de me rasseoir sur un tas de truc…

Je descendis du chariot, serrant la poupée contre moi. Mon beau-père me regarda avec attention avant de m’ordonner d’aider à descendre la marchandise. C’était pas avec ma taille de crevette d’enfant qui allait faire quelque chose mais bon.

« TU VAS TE TAIRE MAINTENANT !
- Non ! »

C’était toujours pareil entre mon Beau-Père et moi, comme toujours je l’appelais toujours Dickon, jamais « Père » alors qu’il ne voulait entendre que ça de ma bouche. Il était gros, poilu, barbu, cheveux noirs, puant… Non, ce n’était pas mon père, pas du tout. Je ne voulais pas, je ne pouvais pas.

« Dickon ! Ros ! S’il vous plaît !
- Tais-toi Tysane ! »

Ma mère se tut et je lui jetai un regard noir, elle ne me soutenait jamais ! C’était pas juste. Je me redressais reposant avec violence mon bol de soupe sur le sol, l’éclaboussant au passage. Je ne voulais pas rester ici. On mangeait dehors comme toujours pour économiser quelques stupides pièces. Il se dressa aussitôt et m’attrapa avec violence le bras et une énième dispute éclata et elle se finit comme toujours : par des coups de ceintures de mon beau-père pour me faire taire et gagner. Et il avait de moins et moins de chance de me voir l’appeler « Père ». Et quand il ne fouettait pas sur le dos ou les jambes, c’était des coups.

Ma mère plongea un petit morceau de tissu dans de l’eau fraîche pour nettoyer mon visage et effacer les dernières traces de bagarre sur mon visage. Elle me coinça dans ses bras pour natter mes cheveux et prendre ma poupée qu’elle plaça devant sa bouche, la faisant parler pour elle.

« T’es bien mieux toute jolie comme ça.
- Maman. »

Je pris doucement ma poupée et elle m’embrassa le front avant de se retourner quand Dickon entra sous notre bâche. Elle me lâcha et se redressa.

« On va y aller.
- Où ? »

Moi je savais, maman me l’avait dit… Mais je savais aussi que c’était sa faute à lui ce qu’il se passait.

« J’ai trouvé un petit travail pour Ros, elle va aller travailler chez les Tully.
- Aux écuries pour cette Rosse. »

Je plissai le nez à son insulte et ma mère soupira. J’avais presque douze ans, et rien ne s’était amélioré, toujours autant de coups et d’insultes et de fureur entre nous.

« Je reviens vite Dickon. Viens Ros. »

Elle me tendit la main, l’autre soulevant mon petit sac avec mes maigres possessions. Je gardais ma poupée avec moi avant de lui prendre la sienne de main et la suivre dans la grande ville. Comment elle avait fait pour me trouver un travail. Je restais muette quand elle demanda une audience au près du seigneur Samwell. Quoi ?! Une audience seules avec lui ?! C’était quoi cet emploi ?! Elle me serra plus fort la main et me traîna derrière elle me plaquant contre son corps en regardant le seigneur.

« Mon seigneur Tully, j’vous présente… ma fille Roslin. Mais aussi la vôtre. Elle a presque douze ans. »

Je me retournai vers elle et elle plaqua sa main sur ma bouche pour me faire taire. Je ne compris pas du tout le reste de la situation, jusqu’à ce que ma mère ne me prenne le visage et m’embrasse le front.

« Tu seras mieux ici, d’accord ? Sois sage Ros. »

Elle donna le sac à une servante qui me prit la main en douceur alors que maman s’éloignait.

« Maman ? »

Elle sortit vite de la pièce et j’essayais de la rejoindre, la servante me retient

« Maman ! »

Je regardais ma nouvelle chambre serrant ma poupée contre moi. Maman était partie… j’étais toute seule… Toute seule dans un nouveau monde… Je voulais ma maman… Je grimpais sur le lit pour tester un peu le moelleux.

Autant dire que les premiers mois furent très compliqués, autant avec deux de mes tantes, cela pouvait aller plus ou moins, Belle-Grand-Mère était aussi méchante que Dickon. Heureusement qu’avec mes tantes cela se passait mieux, surtout avec les plus jeunes, Rayley adore jouer avec mes cheveux et Fyiona me lisait toujours une histoire avant de dormir. Avec mon père… c’était compliqué ! Pas qu’il était méchant, mais j’avais peur qu’il soit comme mon beau-père… Mais tout doucement, je baissais mes défenses avec lui. Mais… j’avais un peu peur de tout lui dire pour mon beau-père. Je n’avais même osé lui dire quand dame Madyssen m’avait donné un « cours » de maintien et qu’à chaque erreur elle se servait de sa badine sur mes jambes. J’aimais bien aussi le mestre qui m’apprenait à lire, à écrire et tout ce que je devais apprendre…

L’attaque des fernés et la prise de Salvemer m’inquiéta un peu surtout pour les réactions de dame Madyssen. Qu’est-ce qu’on allait faire ?