Assise sur le bord de la charrette, entre les étoffes de soie et les caisses de parfum, Ezra remuait les jambes, observant les petits cailloux défiler en dessous d'elle, abandonnés sur le chemin pour toujours. "Humpty Dumpty sat on a wall, Humpty Dumpty had a great fall." La charrette tressauta, s'enfonçant pendant quelques secondes dans un trou avant de se redresser. "All the King's horses, and all the King's men couldn't put Humpty together again." Derrière, sur son cheval, l'un des mercenaires qui les accompagnait pour assurer leur protection remuait la tête de gauche à droite avec entrain. "Eh, Maniel, je peux monter sur ton cheval ?" Le mercenaire sourit et fit un petit non de la tête. "Pas pendant les trajets, petite luciole. Après, si tu veux. Quand on aura monté le camp. Ezra fit une petite moue et s'allongea à plat ventre dans la charrette, basculant sa tête dans le vide pour regarder la route qui avançait directement entre les roues. "Eh, Maniel, c'est quand qu'on monte le camp ?" "Je ne sais pas, mais tu vas tomber si tu continues." Une main ferme, mais qui n'était pas celle de Maniel, attrapa la gamine par son pantalon pour la redresser. Elle atterrit sur des cuisses qu'elle connaissait par coeur et bientôt une attaque de chatouilles s'abattit sur elle. "Arrête maman, arrête arrête arreeeeete !" Les grands yeux verts qui la regardaient avec amour se plissèrent dans une menace factice. "On a dit quoi, avec les mercenaires ?" Ezra se redressa et leva un doigt, récitant une leçon qu'elle connaissait par coeur. "On ne les déconcentre pas pendant leur service, on ne les force pas à me surveiller, on les laisse observer les alentours, on..." Une voix aussi douce que profonde l'interrompit. "Peut-être que si tu l'emmaillottes dans de la soie comme une petite saucisse elle finira par se lasser de parler ?" "Hum... Dans une caisse, ce serait plus efficace je pense." Ezra gonfla ses joues et s'échappa des bras de sa mère pour passer à l'avant et se mettre à côté de son père. Une seconde plus tard, sa mère revenait à ses côtés. Avec ses deux parents à ses côtés, la petite fille se sentait invincible.

Un feu crépitait au centre des cinq tentes qui avaient été installées avant la tombée de la nuit. Le pot qui avait servi à faire la soupe était vide, son contenu avait été vidé jusqu'à la dernière goutte, et les marchands avaient tous été dormir. Les mercenaires surveillaient le camp, attentifs, tandis que deux éclaireurs faisaient des allers et retours circulaires pour prévenir de toute attaque de pillard. Ezra était allongée contre sa mère, elles regardaient le ciel étoilé. "Je peux être une étoile ?" "Tu veux quelle réponse ?" "Hum... Celle de papa." "Les étoiles ne sont que de gros cailloux lumineux, toi tu es humaines, tu ne peux pas être une étoile." La gamine fronça les sourcils. "Elle est nulle cette réponse. Et la tienne ?" "Tu es la plus grosse étoiles dans nos coeurs, à ton père et moi." [...] "Debout, réveille toi Ezra !" La petite fille ouvrit les yeux difficilement, et pourtant la couverture lui était déjà retirée. Les bras puissants de son père l'attrapèrent pour sortir de la tente. Il avait à sa main un grand bâton. Dehors, Ezra ne reconnaissait plus rien. La tente des ébénistes brûlait, et elle crut voir des formes semblables à celles de corps humains recroquevillées sur le sol, sous le tissu carbonisé. Deux des charrettes avaient perdu leurs roues, les boeufs étaient morts, et un peu plus loin les mercenaires se battaient avec des bandits dans un fracas d'armes. "Maman ? Je veux maman, où est maman ?" Aucune réponse, son père filait vers un cheval et la posa dessus. Il était en train d'ajuster les sangles pour qu'elle ne tombe pas quand il écarquilla les yeux en s'écrasant sur le cheval. "Papa ? Papa !" L'homme releva les yeux vers elle, une lignée de sang s'échappait de sa bouche. "Mee... Meereen... Retourne... à Meereen..." Il donna une tape maladroite sur le cheval, qui partit au galop, n'offrant plus aucun support à l'homme qui s'écroula au sol, une flèche plantée dans le dos. A mesure qu'elle s'éloignait, les silhouettes devenaient plus floues, moins distinctes. Elle crut voir une forme qui ressemblait à celle de sa mère, figée dans un arbre par une lance, mais son cerveau refusa l'information et l'évinça de son esprit.

[...] La petite main se tendit sans hésitation, attrapant en une fraction de seconde une pomme rouge sur l'étal d'un marchand trop occupé à vanter la provenance de ses fruits pour la remarquer. Calmement, et parce qu'elle avait bien vu qu'elle était plus facilement suspectée quand elle s'enfuyait en courant, Ezra quitta la place du marché. Elle s'enfonça dans les ruelles, retrouva deux autres gamins avec lesquels elle survivait, et sortit de sous son châle crasseux un morceau de pain et une grosse tomme de fromage. Ils se posèrent dans un coin pour engloutir leur repas, ignorés par les passants. [...] La troupe de troubadours attirait tous les regards, volait l'attention. Leur musique égayait la scène de théâtre en pierre, les gens tapaient joyeusement dans leurs mains, lançaient quelques pièces -alors qu'ils foutaient des coups de pied au cul des gamins des rues qui osaient réclamer un morceau de pain- et Ezra voguait dans la foule. Elle avait déjà fait ça, une bonne vingtaine de fois. Elle était petite, fluette, personne ne faisait attention à elle. Ses doigts agrippaient les bourses et les bijoux à leur hauteur, on ne la repérait jamais. Jusqu'à cette fois de trop.

Grand, blond, la barbe hirsute, il était moins stupide que les autres, plus sensible, moins déconcentré, plus attentif, peu importait. La bourse glissait dans la main d'Ezra quand une poigne ferme s'empara de son poignet et qu'un regard sombre se posait sur elle. "Tu sais ce qu'on leur fait aux voleurs, chez moi ? On leur coupe la main." Les yeux verts de la gamine s'écarquillèrent d'horreur et elle commença à se débattre, mais le géant l'attrapa de ses deux bras pour l'entraîner entre deux maisons, où elle prit la première gifle de sa vie. Un revers de la main violent, qui fit rougir sa joue rapidement. Il la dépouilla de ce qu'elle avait volé, glissant bourses et bijoux dans ses propres vêtements, avant d'attraper son menton entre ses doigts et d'examiner son visage. "J'ai une meilleure idée..." Un coup violent à l'arrière du crâne, et Ezra perdit connaissance.

Quand Ezra ouvrit les yeux, elle était dans la cale d'un bateau. Il y avait là d'autres personnes, plus ou moins jeunes, qui ne parlaient pas forcément la même langue, mais toutes avaient un point commun : leurs poignets et leurs chevilles étaient entravés par de lourdes chaines. Ils amarrèrent deux jours plus tard à Astapor, et bientôt ils furent séparés pour être emmenés à divers endroits de la ville. Le ventre vide, les mines fatiguées, le groupe d'esclaves ne payait pas de mine. Et pourtant ils furent montés sur une estrade en plein marché pour être vendus. A la gauche d'Ezra, en bout de fil, un homme, à la peau foncée, la tête droite, les muscles saillants. Il devait avoir posé problème à un moment parce que du sang coulait sur son menton, trace d'un coup qui lui avait été donné en plein visage, et sa lèvre était gonflée. A côté de cet homme pleurait une femme à la chevelure blonde et aux yeux incroyablement bleus. Elle était magnifique, et elle partit en dix minutes à peine pour le bordel du coin. A la droite d'Ezra, il y avait une autre femme qui ressemblait vaguement à une dothrakie. Ezra était la seule petite fille. La foule qui se pressait devant eux donnait l'impression qu'elle allait les engloutir d'une minute à l'autre. La petite fille avait beau regarder tout autour d'elle, croiser le regard de certaines personnes, elle semblait invisible. Sa peur et sa souffrance semblaient inexistantes. La femme à ses côtés fut emmenée à son tour, et le vendeur tenta bien de refourguer Ezra en même temps, essayant de faire croire qu'elles étaient mères et filles, mais l'acheteur refusa et repartit avec son esclave. Ils étaient là depuis une demi-heure à peine et Ezra avait l'impression que ça faisait une éternité. Bientôt, elle quitta la foule du regard pour lever les yeux vers le ciel. Son coeur était serré dans sa poitrine, et elle se concentra sur sa respiration pour ne pas céder à la panique. Bientôt, le bruit autour d'elle disparut pour laisser place aux souvenirs. Des images que son esprit avait refoulées jusque là et qui la heurtèrent de plein fouet. Elle ne retourna à la réalité que lorsqu'elle sentit la chaine de ses chevilles se détacher. Le vendeur libérait ses pieds pour mieux la pousser vers un homme encapuchonné, qui laissa tomber quelques piécettes dans sa main. Il posa une main sur l'épaule de la gamine et quitta la foule en sa compagnie.

[...] Le bâton s'abattit sur son dos, dans un claquement douloureux. Ezra serra les dents mais ne bougea pas. Melnik la contourna, lentement, et posa un septième livre sur sa tête. Ce petit jeu était forcément perdant, à tous les coups. Les règles changeaient à chaque fois, mais de manière générale le but était le même. Melnik posait un livre sur sa tête et frappait. Si le livre tombait, elle prenait un coup, et recommençait. Si elle accumulait les livres et qu'ils tombaient, elle prenait le nombre de coup égal au nombre de livres posés sur sa tête. Seul Melnik décidait quand il arrêtait. Les premières années, Ezra avait protesté, hurlé, mordu, elle s'était défendue. Et ça avait été pire. Aujourd'hui, elle se contentait de serrer les dents, d'endurer la douleur, de se concentrer pour qu'elle disparaisse avant le prochain coup. La frustration de se prendre des coups sans pouvoir répliquer avait disparu et elle encaissait sans rechigner. Docilement. [...] Il admirait la parure, sans la toucher. Elle brillait, illuminée par les rayons de la lune. Melnik releva les yeux vers sa protégée, qui se tenait droite à ses côtés. "Comment ?" Ezra baissa les yeux vers la parure, le visage impassible. "Je suis entrée peu après un couple. Il m'a quitté des yeux pendant quelques secondes." Un sourire se dessina sur les lèvres de Melnik. "Demain, tu iras le reposer." Ezra cilla, mais hocha de la tête. Le lendemain, elle pénétra dans la boutique à la même heure que la veille, et cette fois elle embobina le vendeur, jusqu'à ce que la meilleure occasion se présente. Elle arriva quand une bande de gamins heurta la devanture du magasin, faisant crier le patron. Sans se presser, Ezra souleva la plaque de verre grossière et reposa le bijou. [...] Les bras tendus sur le côté, la tête droite, toute sa concentration allait sur ses jambes. Placer un pied devant l'autre, calmement, avec rapidité et équilibre... Le fil partit sur le côté et Ezra s'écrasa au sol. S'en suivit un violent coup de bâton qui s'abattit sur son dos, lui tirant un gémissement de douleur. "Recommence." [...] "Et un, deux, trois, quatre, un, deux, trois, quatre... Moins tendue, les jambes. C'est l'homme qui dirige. Lâche prise." Les pieds se coinçant constamment dans cette espèce de gros amas de tissus qui lui servait de robe de bal, Ezra avait du mal à suivre les consignes de son professeur. Melnik, assit dans un coin de la pièce, observait en silence. Elle savait que s'il n'était pas satisfait, elle aurait droit aux coups de bâton et au recommencement de cet exercice infernal jusqu'à son perfectionnement. Et elle allait rater, plusieurs fois. Le tout était d'avoir le moins d'échecs possible. [...] "Tu as oublié une décimale." Les yeux rivés sur le mur, les mains posées sur ses genoux, Ezra prit une légère inspiration avant de répondre. "597,3 ?" Melnik hocha de la tête et ouvrit la bouche pour en poser une autre, quand on frappa à la porte. Une femme, tête baissée, entra pour signaler qu'il était attendu. Melnik hocha de la tête et prit une pile de livres sur une étagère pour les poser sur la table devant la jeune femme. "Histoire, géographie et culture des peuples. Tu ne sors pas d'ici avant que je revienne." Ce qui pouvait durer deux heures comme deux jours. Mais Ezra ne quitta pas la pièce et s'abreuva des connaissances qui la maintiendraient en vie plus tard. [...] Le vent soufflait bien plus de la haut, menaçant de l'emporter à tout moment. Ses doigts étaient crispés, la pierre qui venait de se dérober sous ses pieds avait mis de longues secondes avant de signaler d'un écho sonore qu'elle avait enfin touché le sol. "Détends-toi. Tu vas t'épuiser plus vite si tu es crispée. Oh... Oh! Regarde moi." Ezra quitta des yeux le sol orangé des montagnes du désert pour les relever vers Melnik. "Respire. Concentre toi. Et grimpe." La jeune femme prit une profonde inspiration, remit ses idées en place, et reprit son ascension. Une heure plus tard, elle arrivait au sommet, épuisée mais satisfaite. Melnik lui tapota légèrement l'épaule. "On recommence demain." [...] Il était tard, Melnik ne la convoquait jamais passée une certaine heure, normalement. Elle frappa à la porte de sa chambre et il en sortit, lui tendant une robe blanche. "Habille toi. On sort." Elle obéit, et quelques minutes plus tard, ils se retrouvèrent devant les portes d'un bordel. "Qui dois-je assassiner ?" "Personne. Ce soir, tu couches." Le regard d'Ezra dut en dire long sur ses pensées parce que Melnik sentit le besoin de se justifier. "Ton corps ne t'appartient pas. Il est à l'Ordre. Et parfois tu devras l'offrir pour arriver à tes fins. C'est un cadeau que je te fais, d'ordinaire les recrues sont violées." L'adolescente prit ça comme le présent que Melnik estimait que c'était, et pénétra dans le bordel pour passer sa première nuit avec un homme qu'elle choisit. [...] L'eau était glacée, le vent mordant, la pluie agaçante, et Ezra sentait son corps entier la brûler de douleur. Elle tremblait, incapable de maîtriser le claquement de ses dents entre elles. Mais il lui avait ordonné de ne pas bouger, et elle ne bougeait pas. Jusqu'à ce qu'il revienne... Elle ne devait pas sortir. Ni bouger. Ni s'évanouir. Pleurer n'aurait servi à rien. Elle devait juste attendre. Et bientôt, elle se plongea dans une myriade de souvenirs qui firent accélérer le temps jusqu'à ce Melnik revienne l'autoriser à sortir. [...] Une gerbe de sang lui sauta au visage, lui arrachant une grimace de dégoût. S'en suivit un coup de bâton sur l'épaule qui lui fit serrer les dents. "Passe à autre chose. Le globe oculaire." La jeune femme remonta le long de la table, sous le regard larmoyant et paniqué de l'homme qui y était attaché et bâillonné. Elle pencha légèrement la tête sur le côté en observant son visage et passa sa main sur sa joue. Puis elle approcha sa lame de son oeil, et il secoua la tête en gémissant de détresse. "Ezra..." Elle releva vers lui un regard interrogatif. "Tu es trop pressée. Ta lame..." Il fit un signe de tête vers les flammes du brasero. "Pour éviter..." "... les infections." le coupa-t-elle. Il hocha de la tête et elle plongea sa lame dans le feu, attendant qu'elle soit suffisamment rougie pour déloger l'oeil de son propriétaire. [...] L'ombre était presque imperceptible, plongée dans celle de l'arbre derrière lequel Melnik s'était glissé. Mais Ezra l'avait vu, ce petit morceau de trop qui n'avait rien à faire là. Et quand elle frappa, sa lame se planta à un centimètre de la joue de son maître qui s'était écarté juste à temps pour ne pas se faire embrocher le visage. L'homme se mouva avec rapidité, sa lame courbée effleura le ventre de la jeune femme qui l'évita de justesse avant de fondre à nouveau sur lui. De loin, leur combat ressemblait à une danse, meurtrière et sans retenue. Ils frappèrent quelques instants comme ça, avant qu'une feinte de Melnik ne lui permette de prendre l'avantage. Un mouvement de plus, et Ezra prit un violent coup de coude sur le côté du visage puis s'effondra par terre. L'homme grimpa sur elle et posa ses mains autour de son cou, le serrant fermement pour l'étouffer, avant de sentir quelque chose de froid sur sa gorge. Il baissa les yeux, remarquant la lame qu'elle tenait plaquée contre sa peau. La même lame qu'il avait à la ceinture et qu'elle n'aurait jamais du pouvoir atteindre. Elle aurait pu, d'un seul geste, mettre fin à sa vie, se débarrasser de lui, retrouver sa liberté. Elle n'en fit rien. Elle retira sa lame la première, et il suivit en retirant ses mains de sa gorge pour mieux attraper son bras et la relever.

[...] "Tu ne parles pas, sauf si on t'y invite. Rappelle toi que c'est un honneur que tu vas avoir là, peu ont eu la chance de le voir et de rester en vie." La jeune femme acquiesça, silencieuse, et termina d'accrocher la bride du cheval à un arbre. Ils s'enfoncèrent dans un chemin boisé et marchèrent pendant une vingtaine de minutes jusqu'à une ancienne ruine d'un temple oublié. Melnik passa devant, et Ezra le suivit, le pas feutré. Ils traversèrent une grande salle à moitié effondrée et s'engagèrent dans ce qui devait auparavant être une petite pièce réservée aux religieux. Trois hommes se tenaient là, que Ezra observa en silence. Son regard accrocha chaque détails particuliers qui les différenciaient les uns des autres, puis s'arrêta sur un homme encapuchonné, aussi terrifiant que charismatique. Pendant l'heure qui suivit, elle ne pipa mot, écoutant simplement la discussion qui avait lieu entre le Faiseur et Melnik. Sa présence n'avait pas l'air d'intéresser le moins du monde les trois hommes et elle resta aussi discrète que muette. Mais quelque part, au fond d'elle, bouillonnait une flamme de fierté. Melnik l'avait emmenée. Il aurait pu la laisser en ville, lui dire d'attendre dehors, ne pas lui en parler du tout, mais il l'avait emmenée. Et même si il n'avait pas parlé de ça et qu'il n'en parlerait probablement jamais, Ezra savait que c'était une preuve de confiance, mais plus encore, une confirmation qu'il estimait qu'elle était à la hauteur. Qu'elle était des leurs. Officiellement.

Le lendemain, elle commençait de véritables missions. Certaines très rapides, d'autres qui demandaient plus de temps, plus de préparation, plus d'infiltration. Et plus le temps passait, plus Melnik la traitait comme son égale. Elle ne pouvait pas espérer meilleure récompense pour tout ce qu'elle avait enduré, et si il aurait été normal qu'elle veuille se venger de toute la souffrance, de tous les coups qu'il lui avait infligés, il n'en était rien. Elle l'aimait, d'un amour profond, ambigüe, entre l'admiration et la reconnaissance. Elle l'aimait d'un amour toxique. Maladif. Il était toute sa vie. Et si son intérêt à lui était l'Ordre, alors ça l'était pour elle aussi. Elle exécuta de nombreuses tâches pour eux, plus ou moins salissantes, jamais honorables, toujours bénéfiques. Ses pas la menèrent dans quelques endroits notables d'Essos, dont certains qu'elle aurait préféré ne plus jamais revoir, jusqu'à ce que l'Ordre décide de l'envoyer à Westeros. Une délocalisation qu'elle ne prit pas très bien, parce que ça voulait dire qu'elle n'allait pas rentrer tout de suite et qu'elle ne verrait plus Melnik avant un long moment, sous réserve que l'un ne meurt pas avant l'autre. Mais ce que le Faiseur veut, le Faiseur a, et la demoiselle changea de continent.