Toutes les belles histoires commencent par « Il était une fois ». Mais puisque mon histoire n’est pas jolie, je ne commencerais pas part cette formule consacrée. Je suis née il y a dix-huit ans à Trois Épées, feu, que cela est comique, le fief des Willum dont aujourd’hui je suis la seule représentante. Du peu de ce dont je me souviens, ma mère était très douce et pourtant avec un sacré caractère. Je crois avoir entendu une seule fois ma mère et mon père, Josua Willum, se disputer. Je me souviens m’être promené plus d’une fois assise sur les épaules dans sa ville. J’avais les mains dans ses cheveux, les miens au vent alors que je regardais le ciel au-dessus de moi. Ma mère m’offrit un sourire en marchant aux côtés de son époux. Il y avait mon oncle aussi plus loin qui faisait le pitre.

On jouait dans les jardins, il me courrait après pour m’attraper et me faire tournoyer dans les airs et je criais pour qu’il me fasse voler plus haut encore ! Plus haut ! Il me portait à bout de bras pour que j’attrape une des pêches dans les vergers du jardin. Il m’appelait « Ma petite princesse » ou « Luciole ». Je riais aux éclats et lui il plissait les yeux avant de faire une grimace. Et qu’importe si ma mère était là. Il ne changeait jamais d’attitude. Il était toujours joyeux, heureux de vivre. Père aussi. Mère aussi.

Cette nuit-là, Père m’avait embrassé le front, il devait travailler très tard dans son bureau. Mère était venue me raconter une histoire avant de m’embrasser et mon oncle était passé me faire un bisou également avant que je ne m’endorme. Cela avait été une belle journée, comme toutes les autres. L’odeur de la fumée m’avait réveillée. Elle avait déjà envahi ma chambre… Sans que je ne comprenne pourquoi, quand… comment… Il y avait des ombres mouvantes sous la porte de ma chambre qui claqua brusquement pour laisser apparaître mon oncle qui était ruisselant d’eau…

« Lusia ! Vite ! »

Il m’avait tendu la main et soulevé contre lui alors que je toussai à cause de la fumée qui me brûlait les poumons.

« Où est mère ?
- Je ne sais pas ! »

Il respirait fortement alors qu’il courait aussi vite que possible dans les couloirs rongés par les flammes. J’enfouis mon visage contre lui et attendis sans rien pouvoir faire. Je sentis l’odeur de chaire brûlée quand il sortit du bâtiment en flamme et des paysans nous arrosèrent de sauts d’eau… On retrouva le corps de mon père calciné dans son bureau, celui de ma mère dans la cours elle n’avait pu faire autrement… Et mon oncle décéda quelques heures plus tard. C’était son dos qui avait pris feu et la blessure était trop grave pour qu’il puisse survivre, cependant il m’avait sauvé…

On m’a gardé à l’abri pendant quelques jours le temps que mon oncle, Osbert, ne vienne me récupérer. Et que moi je me repose et soigne ma gorge. Il était la seule famille qu’il me restait après tout. J’ai donc suivi mon oncle à Trois Tours pour vivre avec lui. Il est devenu comme un second père pour moi. Ce fut avec lui que j’appris à lire, compter, gérer un domaine, à soigner mon cœur et accepter les pertes. Ce fut lui qui m’apprit que c’était un incendie criminel.

« Pourquoi t’as une voix aussi moche ? »

Je perdis aussitôt mon sourire en entendant la voix de la jeune fille qui était un peu plus vieille que moi. Je me sentis pâlir affreusement et portai une main vers ma gorge. C’était juste la fille de l’intendant, plus âgée que moi. Je m’étais enfuie pour me réfugier dans les bras d’Oncle Obsert en larme. J’avais dû grandir avec cette voix que j’avais finie par apprécier cette voix. J’avais survécu à un incendie criminel après tout…

« Ma dame ! »

Je me faufilais derrières les rosiers de Trois tours pour retrouver la petite boule de poil fauve tigré de gris… Il avait le poil si long avec une longue queue touffue. Ma suivante fit une moue lorsque je sortis des buissons cette petite boule de poil qui couinait. Cela faisait trois jours que je le croisais tout seul… Il couinait de toutes ses forces et je passai mes doigts dans ses poils avec douceur. J’avais toujours adoré les chats.

« Ma dame il a sali votre robe !
- Ce n’est pas grave ! Il est très mignon !
- Votre oncle ne sera pas d’accord. »

Mais si, il serait d’accord. Je caressais doucement le chaton avec douceur. Il survécut aux premiers mois de sa vie et aujourd’hui, deux ans après, il était devenu un énorme chat appelé Gribouille qui me suivait partout. Bien que je pusse paraître un peu frivole, cela n’était pas grave, il valait mieux paraître inoffensive.