À la lueur des chandelles dans la pénombre du palais le prince avait reprit sa place sur le trône qu'il partageait avec ses deux sœurs. Le souvenir reste douloureux, celui de Naerys avait une place particulière dans son cœur. Comment en étaient-ils tous arrivés là ? Cette fratrie unie par le sang ne l'était-elle plus que par le nom qu'ils avaient en commun avec leur père ? Dans cette chambre il y avait d’innombrables souvenirs, ceux qui l'avaient bercés depuis plusieurs années dans une forme d'insouciance juvénile. Il restait assis dans son siège finement ciselé le regard plongé devant la table basse tout aussi sophistiquée que le reste du mobilier. Lancehélion était son foyer, sa demeure et même si il était prêt à le quitter pour joindre son nom à celui d'une puissance frontalière il ne pouvait se résigner à abandonner son peuple aux agissements vilipendés des fer-nés et du roi lion désormais marié à une princesse aux contrées étrangères dont on disait le soutien militaire aussi impressionnant qu'effrayant. Oui cette pensée était une forme d'aveu qu'il se faisait seulement en lui, en son esprit. La porte s'entrouvrir dans le souffle d'une brise revigorante.

Je vous attendais...

Il aperçu Annarys Jordayne dans une tenue pour le moins différente de celle qu'il avait prit l'habitude de la voir apparaître. C'était une femme, une dame de haut rang et de haute noblesse tout comme lui car après tout ils partageaient un lien de sang qui les rendaient pour autant proche sans l'être réellement. Il ne savait plus la dernière fois qu'il avait rendu visite au Tor pour se joindre à une réunion familiale avec ses sœurs et son père. Il n'en avait pas le souvenir ou peut-être quelques fragments tout au plus. Depuis le temps avait fait son œuvre et les souvenirs s'effacent, s'étiolent tandis que d'autres sont crées.

Je devrai sans doute vous remercier... Mais je crains que ce que j'ai accompli aux Marches ne soient pas digne d'un grand intérêt aux yeux des autres maisons de la Principauté.

Il servit du vin à la saveur suave et épicée dans deux verres finement confectionnés. Les grands orfèvres de Lancehélion eux même les avaient confectionnés.

Nous n'avons pas trinqué depuis ce jour. Êtes-vous satisfaite depuis votre retour au Tor ? Cela faisait combien d'années que vous étiez loin de vos contrées ?

Il tendit le verre le levant vers sa silhouette encore debout puis il l'invita à s'asseoir.

À votre soutien et à votre aide pour la Principauté.

La maison Jordayne a toujours été un soutien et un indéfectible allié de Dorne. Les contrées d'Essos nous avaient rendues une de nos enfants après six longues années tandis qu'il avait passé la plupart de son temps à vaquer à des occupations mêlant plaisir et l'alcool. Un temps qui ne manquait pas parfois de l'appeler, de lui donner envie de repartir se fondre entre les corps sculptés de jeunes femmes sans pudeur, sans jugement, sans honte. Dans les endroits tamisés ou le soleil pointe le bout de son nez sur le fessier de quelques jolies créatures nocturnes. Est-ce que tout cela n'était qu'un passé sulfureux auquel il ne pouvait que se rattaché ? Ou avait-il encore une quelconque subsistance chez lui ? La mort de Naerys, lâchement assassinée l'avait longuement fait réfléchir.

En éviter un pour en produire un autre... Le sang coule et coulera toujours je le crains...

Il fini par engloutir sa coupe comme si l'idée même devait se forcer à frayer un chemin. C'était le lot des hommes de devoir partir combattre. C'était une chose à laquelle il ne semblait pas pouvoir se soustraire.

Dorne aura besoin de vous, de moi elle ne fut jamais réellement satisfaite de ma façon d'être. Sans doute trop encline à goûter aux plaisirs et à la joie.

Il sourit à cette allusion tandis qu'il observe silencieusement la Dame du Tor. Il reprend le sérieux d'une situation dans laquelle il avait plongé en discutant sous le voile des tentes du prince Durrandon.

Pensez-vous que j'ai fais le bon choix ? J'épargne la vie de mes hommes mais... En retournant chez nous je n'ai fais que repousser l'inévitable...

La question devait être posée et il se savait dans une posture délicate. Comment obtenir les navires de cette entente entre orageois et dorniens. Répondraient-ils réellement d'ailleurs de cet acte ? Eux qui avaient passé le plus clair de leur temps à se battre pour les Marches de Dorne.

Six ans le temps paressait filer à une vitesse déconcertante. Soucieux Dorian avait un regard bien plus morne et grave. Il fallait faire le nécessaire pour sauver Dorne d'une nouvelle offensive. En allant à la rencontre du prince Guéric Durrandon il avait pu fournir un souffle de repos suffisant à son armée et à son peuple pour ne pas créer un deuxième front tandis que sa sœur affrontait la maison dissidente Poulet. Que faire quand le monde semble tout faire pour vous indiquer que l'heure approche ? L'inévitable question de la direction que prenait Lancehélion et le peuple dorniens envers qui il avait un devoir de protection.

Trop tôt dites vous ? Je pense que nous avons suffisamment attendu.

La parole est lourde de sens. Ses mains se joignent contre son menton. Il réfléchi à ce qu'il a pu promettre au prince orageois et avec qui il devait désormais rendre le retour de sa parole.

Votre soutien à qui le portez-vous si se n'est Dorne ? Nous le faisons tous nous sommes ses enfants... Je dois connaître votre position sur ce qui a été dit dans cette tente.

Son regard perce celui de son interlocutrice. Les Jordayne de Tor avaient toute sa gratitude mais pouvait-il se fier à un jugement qui découlait de Mors II Martell ? Lui qui était désormais à la place de son père pouvait-il réellement y prendre foi et pleine confiance ?

L'Orage avait beaucoup plus de soucis à se faire avec Harwyn Chenu et ses hordes des barbares. Des barbares qui eux même avaient été envoyés nous aider mais nous savions tous qui ils étaient en réalité. Des sauvages, des pilleurs ds violeurs voilà tout ce qu'ils étaient pour Dorne. Pourtant ils étaient prêt à combattre au nom de sa sœur et de cette supposée alliance qui ne tenait qu'à un fil.

Jusqu’où je serai prêt ?

La parole est lachée avec un certain dégoût elle qui avait été présente dans cette tente princière avec Guéric Durrandon et lui même en présence direct lui déclarait qu'elle proposait une paix avec l'offre de sa sœur en mariage.

Si vous voulez mon avis sur votre sœur et ce mariage à la minute ou elle portera le manteau de la maison Durrandon sur ses épaules elle ne devra plus rien pour notre Principauté. Elle devra obéissance et fidélité à sa nouvelle maison voilà tout ce qu'elle apportera et la paix avec nos maisons respectives sera au bon plaisir des rois et des princes portant le véritable pouvoir. Non si il y a un mariage à faire c'est un lien direct et durable que nous devons donner à l'Orage mais... Nous savons tout les deux que ce n'est plus possible.

Le décès de Naerys et le mariage avec la maison Wyl par sa sœur était une erreur peut-être stratégique pour autant il estimait Ilyas Wyl plus que quiconque. C'était un homme sérieux, un soldat, un seigneur en qui il avait toute confiance et il estimait qu'il avait tout à fait la place qu'il méritait aujourd'hui.


J'ai proposé un mariage matrilinéaire avec la princesse du Bief et depuis j'attends. J'attends qu'ils daignent bien entendre ma bonne foi et que la princesse cristalline batte des cils en signe d'approbation... C'est d'une ironie... Je devrais déjà être à Hautjardin à souper aux côtés de ma nouvelle famille... J'aurai ainsi préservé la paix avec le Bief et obtenu une alliance puissante pour ma sœur et la Principauté. Nous pourrions alors nous passer des fer-nés et de cette entrave que nous avons décidé de nouer autour de notre cou de notre propre volonté.