un rôle parfait pour moi!

En l'An -110, mois 03, semaine 2

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Le château qui me voit vieillir semble toujours debout pour me protéger de tout. Ce matin, je n'ai pas la chance de pouvoir jouir des jardins, je dois me préparer. Mon cher Père a jugé bon de me convier. Plusieurs mois se sont écoulé sans que je ne m'occupe de rien, ni de la gérance, ni de la politique, ni de mes amies, ni d'un éventuel mariage... enfin, pas tout à fait.
Le sujet doit être important vu que je suis attendue dans l'une des pièces utilisée uniquement par le Roi sous son commandement. Je ne pouvais sciemment pas décliner cette invitation, bien que l’engouement ne soit pas au rendez-vous, je fais l'effort d'arborer une tenue de circonstance. Une robe fluide et élégante, manche longue, ceinturée à la taille et d'une teinte verte pâle. Mon pas léger le long du couloir ralentit à l'approche de la porte ou sa garde m'attendait pour me faire entrer. Je lui fais signe d'attendre, juste un instant, quelques secondes pour me permettre d'inspirer profondément. D'un hochement de tête, elle comprit qu'elle pouvait me faire entrer après avoir frapper trois fois.

-Monseigneur, votre fille la Princesse Aleria. Annonce-t-il.

Je l'en remercie. Sur mon visage une expression solennelle, un maigre sourire et une révérence que j'accorde à mon paternel par respect. Il me regard toujours de ce même amour. Un amour inconditionnel qu'il a pourtant ébranlé. J'attends la permission du roi pour m'installer, m'exécutant à sa demande. D'un geste élégant, j'attrape le parchemin roulé qu'il me tend. Un papier qu'il triturait entre ses doigts à mon arrivée. Mon regard incisif ne manqua pas de reconnaître les mots couchés sur cette missive. Un seigneur que je connais bien, dont la fille est... Ou était mon amie. Je les relis dans un silence qu'il m'est rare de conserver aussi longtemps. Quand je finis, mon père reprend la parole et je l'écoute. La beauté de la salle m’apaise et j'y laisse courir mes iris plutôt que de me focaliser sur les vieux traits de mon géniteur. Sa barbe blanche et broussailleuse, les rides qu'il a sur le front au tour des yeux et autres, son air bouffie alimenté par l'alcool et les plats bien trop copieux... Je préfère éviter d'y songer.

Mon intérêt pour la conversation revient rapidement et je pouffe un petit rire narquois à l'intention de sa question :

-Père, je me suis simplement contentée de vous obéir. Votre royaume et vous, me réclamez un mariage. Le Prince Martell m'en propose un, matrilinéaire comme nous pourrions au mieux l'espérer pour notre royaume. Que vous faut-il de plus ?

Résignée à jouer les princesses cruches et sans âmes, je me complet dans mon rôle d'écervelée à rendre le retour de bâton d'une punition injustifiée. Je ne mentionne aucun sentiment, attraction ou élément qui laisserait penser que le Prince Dorian pourrait me plaire. Joueuse, je retourne l'interrogatoire vers mon tendre père.

-Et vous Père, est ce là un parti acceptable pour la couronne du Bief ? Ou vaudrait-il mieux encore une fois que j'évite toutes situations pouvant contrarier nos vassaux et le peuple. Dîtes moi quel sorte de pantin je dois être pour cette couronne ?

Libre de rien. Je rêverais parfois d'être une fille simple de la ferme pouvant épouser qui elle le souhaite sans qu'on vienne lui dire que ce choix est inadapté. Mon attitude fermée n'est pas dissimulée, je ne me cache pas. Les bras croisés, je toise mon Père plantant mon regard dans le sien avant de lui révéler le plus sincèrement possible :

-Une chose est certaine, mon cher Père, c'est que je ne me marierais pas avec un de nos vassaux, ni leurs fils ! Libre à vous de suggérer quelque chose de plus propice à mes attentes, j'examinerais les propositions.

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Le sujet du mariage ne me convient pas, il ne m'a jamais convenu. Mon cher et tendre Père, que j'affectionne malgré tout possède la capacité de me faire plier. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que tout ce qu'il fait, est dans le seul optique de m'assurer un avenir sûr. Je le sais au fond de moi. Je ne lui pardonne pourtant pas. Il tente de détendre l'atmosphère en tapant sa bedaine d'un air rieur pour me souffler que ce n'est pas son idée. De sages paroles, comme toujours. J'esquisse un sourire en abdiquant d'un signe de tête et en rétorquant de manière plus légère :

-Mon Père pourrait peut-être m'offrir un verre de vin en ce cas, que je ne le laisse pas boire seul tel un soûlard de taverne.

Dupe, je ne le suis pas. Je sais très bien où le Roi veut en venir avec cette conversation et j'ai volontairement clairsemé ma réponse. Je me redresse dans ma chaise et le fixe avec affection. Je prends le temps de la réflexion, quelques secondes pour rassembler mon courage et me montrer honnête avec lui. Sincère, comme je l'ai toujours été avant que l'on s'éloigne.

-J'ai tant à dire, peut-être trop pour savoir par où commencer. Je devrais vous remercier pour avoir accepter la Rowan comme épouse, un moyen de gagner du temps même si il est fâcheux. Je ne la porte pas dans mon cœur et je doute qu'il en soit autrement un jour.

Je marque une courte pause, levant mon verre pour trinquer avec mon père avant de boire une gorgée de vin. Le nectar est délicieux, rond en bouche, parfumé de notes terreuses et de fruit rouges. J'apprécie son tanin et la puissance qui reste en bouche après l'avoir avalé, un bon cru.

-Concernant le Prince Dorian Martell, c'est un homme séduisant qui je pense pourrais apporter certaines choses à notre royaume, qui pourrait peut-être me combler bien que les certitudes soient une utopie. Le problème réside en la principauté de Dorne, leurs alliances contraires aux nôtres et les décisions plus que discutable de la Princesse Sélénia Martell. Je crains qu'un mariage avec le Prince Martell dans la conjoncture actuelle ne créé que plus de conflits. Je dois vous avouer que mon hésitation est immense, mais je ne tiens pas à mettre en péril notre alliance avec les Durrandon.

Mon visage se ferme. Je dois évoquer le point qui me dérange le plus, ce pour quoi j'ai presque tout perdu et mon cœur se resserre d'amertume.

-Sélènia Martell n'a, à ce jour, jamais offert réparation à la famille Piète. Bien que j'ai remué ciel et terre pour la retrouver, j'ai le sentiment d'y avoir perdue ma meilleure amie. Le seul homme assez fou pour me rendre ce service fût le fer-nés Tyldr Salfalaise, qui l'a ramené sur nos terres. Et sachez que je suis et serais éternellement reconnaissante envers cet homme pour la confiance aveugle qu'il m'a faite, j'aurais espéré le récompenser correctement par un mariage peut-être, mais là encore le peuple aurai cessé de bêcher la terre pour brandir leur fourche.

Je soupire, m'avachissant pour montrer à quel point cette situation me morfond. Je préfère de loin les hommes à la virilité assumé et au caractère tempétueux ou de feu, qu'un vulgaire pantin qui me servira à rien d'autre que faire sourire le peuple Bieffois.

-Qu'en pensez-vous Père ?

Pour la première fois, j'ose avouer que la bravoure d'un fer-nés m'a séduite. Un secret bien longtemps gardé pour ne pas faire la moindre vague, une information que je révèle à mon père dans le simple espoir de m'en soulager un peu la conscience. Je me suis résignée à réduire mes idéaux à l'état de fantasme depuis de longs mois.

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Mon père est sage, peut-être un peu trop. Il m'écoute sans venir interrompre mon monologue, est-ce là l'amour d'un père pour la voix de sa fille. Le devoir est visiblement la ligne de conduite de tout bon souverain, avant ses émotions et ses sentiments. Je suis convoitée pour ce que je peux apporté, un royaume. Aucun homme censé d'esprit aimerait une femme qui éconduit avec arrogance et plaisir non dissimulé. J'en suis convaincue depuis longtemps, l'amour je ne le trouverais pas. Dois-je me résigner ? Abandonner ? Ma situation n'est pas la pire, elle est peut-être même la plus enviable. Je soupire. Un long et lent soupire. Je porte mon verre à mes lèvres, me délecte d'une gorgée de vin comme pour me donner du courage en m'imprégnant de la réponse de Gyles. Le sujet concernant Elinor est court, je ne peux qu’acquiescer :

-Certes, c'est une femme influente sur nos terres... elle n'en reste pas moins un serpent dans notre jardin et vous vous êtes fait mordre Père.

Une simple réplique pour lui rappeler la dangerosité de cette vipère. Néanmoins, je ne compte pas m'étendre et m'épancher sur ce mariage des plus ignobles. Non, ceux de mes amies sont sûrement les pires. Le mien viendra s'ajouter à la liste comme une évidence que je n'aurais su déjouer. Je sais au fond de moi que mon Père par cette union me protège, mais il a raison le temps de me fiancer est sûrement venu.

-Le Prince Dorian doit bien avoir son idée derrière la tête pour désirer un tel mariage, si comme vous le dîtes il a tant à perdre. Après, je doute qu'il soit aisé pour lui de s'épanouir en tant que Prince à la principauté de Dorne avec Sélènia Martell à la tête. Son objectif est peut-être tout simplement d'être Roi.

Résignée. Mon visage ne traduit aucune once de bonheur. Il est figé dans une fatalité qui m'ôte l'envie de sourire. La petite Laerra avait raison, je ne suis que le pion d'un peuple que je dois satisfaire pour survivre. Je pense à Meryl et à Delhiha, tout ce qui leur est arrivé et tout ce qui leur arrivera sûrement... Des rumeurs circulent jusqu'à nos terres sur la prise des fer-nés sur les terres du conflans et de l'orage.

-Avons nous des informations plus sûre concernant la famille Mallister et surtout de mon amie Delhyha ?

Je change de sujet, j'évoque l'invasion fer-nés qui se déroule sur le territoire de nos alliés. Une explication logique à l'abandon de Guerric Durrandon pour demander ma main, les affaires à traiter sont bien plus importantes et je le comprends. La délicate comme on l'appelait me donnait envie de veiller sur elle, je l'avais rencontré lors d'une réception chez nos alliés. Une jeune fille que j'avais prise sous mon aile, pour que son caractère agréable ne la face pas se retrouver mariée à un porc. Un échec encore. J'ai entendu dire qu'un fer-nés l'avait épousé. Un cauchemar. Je fixe mon père, sérieuse.

-Vous n'avez qu'à choisir pour moi ! C'est ce que tout le monde semble faire et désireux que se soit fait. De toute façon, je doute qu'être née femme dans notre monde soit salutaire, j'espère n'avoir que des fils si je dois donner la vie. Ma défunte mère tout comme vous père, m'avez fait espérer de croire en mes choix, mes valeurs et que mon bonheur primerait. Ce n'est qu'une illusion, un mirage. Je suis un pion de cette couronne et une esclave de notre royaume, que celui qui cri que le pouvoir c'est la liberté prenne nos places rien qu'une journée et je paris qu'il priera les sept de lui redonner son statut et sa petite vie tranquille.

Je déteste toute ces manigances et ces jeux d'échecs, je préfère de loin combattre et chasser, m'occuper des fleurs de nos jardins. Je termine mon verre de vin, prise entre la colère et la tristesse. Je devrais me montrer raisonnable, mais qui le serait ? Légèrement tremblante, je fixe mes genoux.

-Père, vous aimiez mère avant de l'épouser ? Et, elle est ce qu'elle vous aimait aussi ?

La question a toute son importance, mon idéale se base sur leur relation à eux. De les avoir vu uni et heureux. De les avoir vu s'aimer. Tout ce que je sais, c'est que je refuse d'avoir un mari dénué de charisme et de courage, le Prince Dorian ainsi que le Salfalaise bien que mon Père refuse de le voir.

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J'avais visiblement piqué mon Père au vif, lui d'ordinaire si joyeux, arborait une mine déconfite et contrariée. Avais-je poussé le bouchon un peu trop loin ? Oui, probablement. Mais, je bouillonnais de colère intérieurement face à toute ses injustices. Je lui laisse le bénéfice du doute quant à Elinor, vu qu'il m'assure que ce mariage n’interférera pas dans notre Couronne.

-Je vous présente mes excuses, Père. Je comprends bien que vos choix n'ont pour objectif que de me protéger, de protéger la couronne et que vous ne souhaitez que mon bien au travers de vos décisions... Bien que parfois la raison de ces dernières m'échappent.

J'écoute ce que mon père sait au sujet des Mallister et la nouvelle me peine. Impuissante. Je me résigne à laisser de côté ce problème qui ne me concerne pas. Mon intempérance fait exploser l'homme me faisant face et il s'élance dans un longue tirade qui pourrait avoir raison de lui si il ne reprend pas son souffle. La raison serait d'épouser un Durrandon, peut-être mais il est lointain le temps où je les avais croisé. Un souvenir vaporeux et bien trop vieux pour me permettre d'avoir un avis sur la question. Je me redresse un peu. Droite. Je fixe mon Père avec respect.

-Vous avez raison, un Durrandon serait un choix simple et éclairé, je ne retire en rien ses qualités au Prince Guéric soyez en sûre. Néanmoins, notez qu'aucun ne se soit manifesté auprès de vous ou de moi pour une éventuelle approche ou demande. Ils ne sont peut-être pas intéressé ? Quand au Prince Dorian Martell, il m'a proposé un mariage matrilinéaire, n'est ce pas important d'offrir réflexion à cette offre. Quand au fait de me compromettre, il n'en est rien, Père. Nous étions accompagnés de chevaliers de nos gardes respectives, c'est comme avoir des chaperons ? En tout cas, nous n'étions pas seuls si cela peut vous rassurer.

Le dernier point était l'amour entre mon père et ma mère, une question plus douce qui sembla me contraindre à réfléchir. La vérité était qu'il avait aimé ma mère dès qu'il l'avait vu et qu'elle avait apprit à l'aimer avec le temps. Surprenant. Je prends une expression songeuse à son désir de me voir apprendre à aimer un homme au fil du temps, je comprends le principe mais il n'en demeure pas moins une interrogation cruciale.

-Comment ferais-je pour choisir le bon ? Celui que j'aimerais avec le temps ?

Mon visage prend les traits de celui d'une femme décidée et résignée. Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve ou ce qu'il sera bon de faire, mais il est grand temps que je cesse de me cacher derrière des caprices d'enfants.

-Je ferais ce qui est nécessaire avec votre accord et votre soutient pour le Royaume. Trouvons moi un époux et prions les Sept pour que je l'aime sincèrement un jour.

J'esquisse un sourire pour le rassurer. Je suis prête à assumer ce rôle qui est le mien. Peut-être que renoncer à mes rêves d'enfants me fera devenir une adulte responsable. A moins que je ne finisse aigri et sans cœur, c'est une éventualité.

(c) oxymort