– Tu vois Frea, tout ce que nous possédons, c’est par nos actes que nous l’avons obtenu. N’oublie jamais comment nous en sommes en arrivés là même si notre aïeul était un serf. Notre maison s’est au prix du fer que nous l’avons gagnée. Soit fière de ton nom et d’être Fer-née, Frea.

Un baiser sur mon front ponctue les paroles de mon père, que je n’ai jamais oubliées même lorsque sa main faillit m’arracher la tête tant sa gifle était brutale. Au lieu de cela, elle m’envoie valser sur le sol, la lèvre fendue en train de pisser le sang.  

– TU N’ES QU’UNE CATIN. REGARDE TOI…LE VENTRE GROS DE TON DÉSHONNEUR…QUI EST-IL ? PARLE ? Ma main s’abat sur mon bras telles les serres d’un aigle, elle m’empoigne pour me relever et me secouer avant de me gifler à nouveau. TU VAS ME DIRE QUI EST LE PÈRE de ce bâtard…PARLE OU JE TE JURE QUE TU PONDRAS TON CHIARD DANS UNE CAVE COMME LA CHIENNE QUE TU ES….

Ma mère tente de s’interposer mais mon père l’arrête d’un simple regard. Noir. Mauvais. Quant à mon frère il ne pipe pas un mot, sans doute trop heureux de voir que la favorite de notre père soit ainsi malmenée. Sa petite princesse aux boucles d’or, réduite à présent au rang d’une putain parce qu’elle a ouvert ses cuisses à celui qu’il avait choisi.

– Battez-moi autant que vous voulez, père. Je ne dirais rien….que m’importe ce que vous pensez. Je suis restée fidèle à vos principes. J’ai pris ce que je voulais….tout comme cet enfant que j’ai voulu garder ensuite….vous n’y pourrez rien…à part me tuer ou me retirer mon nom.

– MES PRINCIPES !! Sa main se lève une nouvelle fois. Je ne protège pas mon visage mais mon ventre. Attends que le coup s’abatte, dressée face à lui. Rien ne vient , sa main retombe sans frapper. J’avais des projets de mariage pour toi…pour notre maison…PERSONNE NE VOUDRA DE TOI ET DE TON BÂTARD à PRÉSENT. Quel fou voudrait d’une putain…

Il attrape mon bras encore, à me l’arracher, me tire si vite que mes pieds ne suivent pas et glissent parfois sur le sol. J’entends ma mère crier derrière nous, implorer qu’il ne fasse pas quelque chose qu’il regrettera toute sa vie. Que c’est peut-être la volonté du Dieu Noyé que je sois grosse d’un inconnu. Que…et que…je n’entends plus ce qu’elle supplie pour moi. Mon père me jette au fond d’une cave…un cachot serait plus approprié.

– Tu resteras là tant que je n’en aurais pas décidé autrement. Médite sur tes actes Frea. Tu as déshonoré ton nom…tu n’es plus ma fille.

La porte se referma, suivit d’un tour de clé dans la serrure. Je ne pas pleurerai…pas tout de suite…non pas tout de suite…je ne veux pas…sans que je puisse en avoir le contrôle, les larmes roulèrent sur mes joues tandis que mes bras se refermèrent autour de mon ventre pour bercer mon enfant.

– Ne soit pas inquiet, je te protégerai quoiqu’il m’en coûte.

Les jours s’enchaînent au rythme des rares visites de ma mère pour m’apporter mes repas. Elle ne reste jamais très longtemps. Mon père le lui interdit. Quant à mon frère, ses visites se comptent sur les doigts d’une seule main. Il vient pour se réjouir, souhaitant que mon bâtard et moi-même y restons quand il aura décidé de venir au monde.

Je me renferme dans mes souvenirs. Ceux de cette nuit où j’ai choisi de m’offrir à cet homme simplement parce qu’il me plaisait et parce que j’ai décidé que ça serait lui qui me prendrait pour la première fois. Bien entendu je ne pensais pas que durant cette nuit, j’allais tomber enceinte. Lorsque je l’ai découvert, j’ai bien sûre paniqué mais j’ai très vite compris que c’était un cadeau que me faisait le Dieu Noyé. Je ne pourrais dire pourquoi mais j’ai su au fond de moi que cet enfant scellerait mon avenir plus tard. Oh pas un avenir funeste, non, bien que cela semblait partie pour mais qu’il serait à l’origine d’un destin grandiose.

Au début il m’a été facile de cacher mon état. J’en avais le souffle coupé à chaque fois que je serrais toujours un peu plus fort mon ventre pour qu’il se remarque le moins possible. Même mes seins étaient comprimés pour ne pas éveiller les soupçons. Mais toute supercherie finit par être dévoilée.

Peut-être que mon père espérait, tout comme mon frère, que la mise au monde de mon enfant m’emporte avec lui mais il aurait dû savoir que je reste une fer-née avant tout et…sa fille malgré ce qu’il réfute.

C’est seule et comme un animal que j’ai mis au monde mon fils, Veron. Pour tout vêtement je n’ai pu lui offrir que des haillons en attendant que ma mère ne nous découvre lui et moi allongés sur notre paillasse. Mon père finit par se décidait à se rendre à l’évidence que j’étais née coriace et le resterais.  Au grand désespoir de mon frère, j’ai pu ressortir de cette cave mais ne redevait pas pour autant la favorite de notre père. Maigre satisfaction pour lui mais je m’en contenterai pour mon fils.

Veron grandit sous l’œil aigri de son grand-père. Moi je n’étais plus bonne à rien pour lui, pour ses projets. Comme il l’a dit : quel fou voudrait s’embarrassait d’une mère et de son bâtard ?