Bâtarde cachée –  Tytos Nerbosc était un homme volage et infidèle, multipliant les aventures ainsi que les bâtards. Saphyr, née Mylanie Geiss, est l’une de ses indésirables rejetons et pourtant l’une des plus marquantes. Laide dès la naissance, ses tares se multiplièrent avec l’âge. Désemparée, la mère se jeta aux pieds de l’amant violent pour implorer sa clémence et son aide. Il accepta à plusieurs conditions : que l’enfant soit isolée autant que possible et que son identité en tant que père ne soit pas révélé. Deux conditions que la mère accepta. Et l’enfer de l’enfant débuta.

Père violent – Elle aurait dû être ignorée de tous et de toutes et pourtant, de temps à autre, elle était appelée par ce père pour être tournée publiquement au ridicule. Heureusement, peu de personnes gardaient souvenir de ces soirées-ci car souvent, c’était lors de festins où l’alcool coulait à flot. De son père, elle apprit à connaître un homme bon d’un homme mauvais d’un simple regard et à répondre à la violence par la violence.

Mère désemparée – Sa mère n’assumait absolument pas d’avoir mis au monde une telle engeance. Elle n’hésita pas à le signaler à plusieurs reprises, inconsciemment ou consciemment. Tantôt elle enferma sa fille plusieurs jours avec uniquement un livre de prière et une maigre pitance, tantôt elle lui contait de belles histoires en lui donnant espoir qu’un homme saura voir la jolie fille en elle, tantôt elle giflait gratuitement et sans raison. De sa mère, elle apprit à chercher du confort ailleurs qu’auprès des humains – les dieux, les pierres, les plantes, les arbres, l’air, l’eau …

Demi-frères – Qui dit bâtarde, dit demi-frères ! Les deux fils légitimes de Tytos étaient donc naturellement ses demi-frères. Malheureusement, ignorante de ses origines nobles – comme c’est le cas du reste de la cour –, la demoiselle ne les voit que comme des lords de la maison. A la surprise générale, c’est le cadet qui hérita des terres et non l’aîné. Inconsciemment, Saphyr s’est sentie coupable, persuadée qu’elle a attiré le malheur à l’une des rares personnes qui était agréable et cordial à son égard. En effet, subissant également les caprices du père, Desmond semblait partager ce même destin de maudit, trouvant refuge auprès de cette étrange laide de Corneilla, une laide qui savait apaiser ses esprits tantôt en citant quelques douces prières, tantôt en promettant mille douleurs pour leurs géniteurs communs.

La guilde des Magiciens – Un beau jour, un homme se présenta auprès du Lord de Nerbosc, se présentant comme un magicien et un alchimiste. En somme, un homme qui aime mêler les savoirs occultes aux savoirs jalousement gardés par les mestres. Une alliance inopinée qui créa un engouement inattendu parmi la noblesse. On l’appela pour mille et un maux. Durant l’une de ses nombreuses visites, il croisa à quelques rares reprises la Bossue, et fut à chaque fois témoin de scènes inattendues : la Bossue qui parle à une plante – qui est encore bien vert au vu de la période de l’été –, la Bossue qui compte un rêve à sa mère et qui semble se réaliser quelques jours plus tard ou encore la Bossue qui rabiboche avec habilité la patte cassée de quelques animaux en théorie sauvages mais qui sont bien dociles sous ses mains. Il proposa à la mère de payer une modeste somme, afin de pouvoir avoir l’enfant comme apprentie le temps d’un mois. Le mois devint une année et l’apprentissage temporaire devint un apprentissage définitif au bout de deux ans.  

La renaissance en tant que Saphyr – Lorsqu’elle fut officiellement l’apprentie de ce magicien itinérant, ce dernier lui indiqua que tout futur magicien – apprenti comme accompli – se devait d’avoir un nom propre à lui et différent du nom de naissance. La réflexion ne fut pas longue : « Saphyr ». Elle aimait la couleur bleue de cette pierre précieuse, mais elle insistait pour garder un « y » dans son prénom – comme un pont entre ses deux identités. Cependant, elle ne souhaitait pas que ce soit un sobriquet mais son nouveau prénom, comme pour signaler qu’une nouvelle vie débutait. Bon gré, mal gré, le magicien céda. Elle fut rebaptisée comme « Saphyr », bossue avec de grandes aspirations, abandonnant « Mylanie Geiss », représentante d’un passé sombre, isolé et humiliant.

Une apprentie appliquée et sans scrupule – En deux ans, la demoiselle a subi une métamorphose considérable entre les mains de ce maître. La sauvageonne sans manière fait dorénavant preuve d'un certain sang-froid, ravalant ces violentes envies, ainsi que de manière, capable de saluer aussi dignement que sa situation le permet. Cependant, la métamorphose ne s'est pas limitée à paraître convenable aux yeux du grand monde mais à lire, à écrire et à connaître les noms des plantes et des pierres et leurs usages. Un nouveau monde s'est ouvert à elle, qu'elle s'est jetée dedans de plein pieds et sans peur. Un monde avec mille possibilités dont celle de devenir "peut-être" belle. On raconte que le prix à en payer est très lourd mais elle s'en fiche. Elle est persuadée d'avoir été au fond du gouffre dans le domaine de Corneilla, et qu'elle ne peut que s'élever dorénavant.