On dit que le fils de Moran Toland est plutôt…turbulent. Je me doute que la description n’est pas flatteuse mais je ne sortirai pas de mes gonds aussi aisément. Je me doute aussi que ces chuchoteurs ont bien d’autres sujets de préoccupation en ce moment que ma petite personne.  Pour ma part, c’est aussi le cas. J’ai de grandes idées et je ne compte pas m’appesantir sur des détracteurs qui paradoxalement sauront venir me trouver lorsqu’ils le souhaiteront. C’est ce que l’on appelle la diplomatie, me disait ma mère. Une fois revigoré après cette maladie soudaine et fiévreuse qui s’est emparée de moi quand je n’étais qu’un enfant, elle s’est efforcée de m’enseigner les rudiments de tout bon seigneur. Malheureusement, j’ai toujours été davantage attiré par le maniement des lances qui se trouvent dans les mains des soldats de Spectremont. L’enseignement martial a débuté sensiblement en même temps après maintes insistances de ma part. Il en va de même pour mes premiers moments sur un cheval. Enfant, j’étais bien plus frêle et plus facile à bouger. Néanmoins, c’est à cette période que j’ai fait, de ces grandes règles et de ces techniques apprises dans la cour de Spectremont, des réflexes aujourd’hui. Ma préférence s'oriente vers le maniement de la lance et le tir à l'arc plutôt que le maniement de l'épée.

Il m’était plus facile de converser avec ma mère qu’avec mon père. Je n’étais pas défiant vis-à-vis du seigneur du fief de Spectremont et il n’a jamais été trop avare en paroles pour s’exprimer. Le statu quo, le mutisme, l’angoisse vis-à-vis de l’avenir le tenaillaient. Et moi…je n’ai jamais pu lui révéler mes rêves, ce rêve. La vie est pleine de possibilités et lui n’en avait choisi aucune. Lorsqu’il a fallu défendre la cité d’une bande de brigands, j’ai pris les choses en mains alors que lui se masquait la vue. J’ai même pris plaisir à pourchasser les derniers dans le désert dornien, guidé par cet instinct destructeur. Mon frère cadet, Tristan, était dans l’expectative et embourbé, sur la conduite à tenir, dans un dilemme entre notre père et moi-même. Je comprenais ses doutes et je n’ai jamais voulu l’impliquer davantage pour tenter de faire entendre raison à mon père. Pendant ce temps, je me suis battu aux côtes des hommes d’armes de Spectremont. Lorsque nous les avons trouvé,  nous ne leur avons laissé aucune chance. Nous en avons fait des exemples. Et je me suis fait un nom.

Les années passèrent et ma vue s’est éclaircie sur nos tracas mais aussi sur ce que nous pouvons accomplir. Père et Mère ne sont plus là pour régir la vie de la cité. Le calme recherché s’avère précaire en fin de compte. Je ne peux pas prétendre être devenu plus sage mais peut-être un peu plus  instruit. Les Rhoynars et ceux qui s’opposent à eux font courir le risque d’une querelle inutile pour Dorne sur le plan intérieur. Je vois d'un mauvais oeil une lutte interne sur ce motif là. Je ne souhaite ainsi pas m'en prendre directement aux Rhoynars ou au pouvoir Martell. En revanche, je n'aurais aucun mal à envisager de quelconques escapades furieuses favorisant l'éclosion de ma cité et d'un vent nouveau. L'appétence de la culture dornienne pour le poison et les serpents favorisera très nettement la montée des tensions et ma connaissance de ce royaume m'invitent depuis longtemps à me montrer particulièrement précautionneux. Sur le plan extérieur, le royaume voit ses cités ensablées sur ses côtes et dans l‘incapacité de répondre à un assaillant en mer. Le Bief et l'Orage se tiennent non loin de Spectremont et les frictions ancestrales peuvent très rapidement déboucher sur des bains de sang. Comme la Princesse guerrière Nymeria, je ne reculerai pas. Je la rejoindrai telle une autre météore à l'échelle du temps et de l'humanité. Mes rêves évoquent des ravages. Des ravages de Cité. Pendant ce temps, la noblesse dornienne se complait dans palaces et bordels. Je présume que c'est le cas dans le reste de Westeros dans une certaine mesure avec ces riches notables calfeutrés derrière leurs forteresses. Mais, je compte bien exercer une petite impulsion dont l’élan ne pourra être stoppé. Le Vent du Sud existe et se fera sa place aux côtés de l'Hiver du Nord et des Vagues des Iles de Fer.