Les plans s'étaient succédés, les échecs également, le temps s'était écoulé et rien ne s'était passé malgré toutes les manigances qu'elle avait pu mettre en place. La princesse avait une chance insolente, très agaçante, et si au début il avait été amusant de peaufiner des plans et de lever des doutes sur la famille royale, notamment au sein d'un organisme concurrent, aujourd'hui elle n'avait plus envie de jouer. C'était le moment où jamais. Naerys n'avait jamais rien caché à Ezra, elle lui faisait confiance, des petits secrets aux cachoteries les plus grosses, l'assassin savait. Elle passait le plus clair de son temps en compagnie de Naerys, n'étant congédiée que lors de ses jours de repos exceptionnels -qu'elle refusait de plus en plus- et des moments trop intimes qui n'avaient rien d'intéressant pour sa mission. Elle ne savait pas encore exactement où comptait aller Naerys, mais aussi discrète soit-elle, les changements de place des objets de la chambre de la princesse n'étaient pas passés inaperçus aux yeux de la servante. Quelques petites choses auxquelles elle tenait avait disparu, rien de flagrant, mais Ezra connaissait les moindres recoins de cette pièce, de ce château pratiquement. Le départ était annoncé, insidieux.

La porte de la chambre s'ouvrit, laissant entrer la silhouette fine et silencieuse de la servante. Elle la referma tout aussi silencieusement, telle une ombre, et son regard balaya la pièce, tranquillement. C'était un bordel monstre, mais elle ne voyait là que les affaires d'une princesse, rien d'autre. Et ce qui l'intéressait, c'était plutôt le serpent qui accompagnait Naerys. Cette sale bestiole pouvait être planquée n'importe où et si, à priori, elle connaissait maintenant assez Ezra pour ne pas l'attaquer, l'assassin préférait rester prudente. La princesse était concentrée sur un parchemin, qui allait probablement rejoindre les quelques autres roulés en boule qui gisaient sur les côtés de son bureau. Des adieux ? En faisait-elle partie ? Le temps qu'elles avaient passé ensemble était précieux pour Ezra, elles avaient partagé autant de difficultés que de rires, et même si elle avait été un peu vexée que Naerys ne l'emmène pas à la guerre avec elle malgré ses capacités, personne ne pouvait nier la complicité qu'elles avaient eue. Un fin sourire se dessina sur les lèvres d'Ezra. Naerys allait bientôt rejoindre un monde meilleur, plus tranquille, plus paisible. Et elle, elle pourrait peut-être enfin rejoindre Melnik en Essos ? Sans un mot, avec l'agilité d'un chat pour passer entre les choses balancées par terre, et en faisant attention à la lueur des bougies qui pourrait trahir son ombre, Ezra se glissa dans le dos de la princesse, tira son kriss caché sous un pan de sa robe, et abattit sa pointe vers sa nuque, là où la lame pourrait traverser la gorge et une partie du thorax, empêchant toute possibilité de crier.

Utilisation du Kriss, +10 au corps à corps.

Ce soir là, deux personnes venaient de mourir. Naerys la princesse et Ezra la servante. Laissant de côté ses sentiments, l'assassin retira soigneusement sa lame et prit soin de l'essuyer sur un pan de robe de la défunte princesse pour le remettre à sa place contre sa cuisse. Pendant une seconde, elle hésita à semer quelques indices qui désigneraient un coupable innocent, puis elle renonça. Ce n'était pas ce que le Faiseur lui avait demandé. Sa tâche était accomplie, elle n'avait plus qu'à rentrer. Alors elle rangea sa lame et s'approcha de la table de la pièce pour la déplacer jusqu'à la porte, dans l'idée de la bloquer si des gardes ou des serviteurs avaient la mauvaise idée de passer malgré l'heure tardive. Elle approcha ensuite du bureau sur lequel Naerys écrivait et souffla la bougie avant d'approcher de la fenêtre pour regarder en bas. Pas de mouvements particuliers... Elle écarta un pan de sa robe, naturellement fendue sur le côté, et grimpa sur le bord de la fenêtre. Si elle avait connu le vertige fut un temps, ce n'était plus le cas. Les montagnes raides que Melnik lui avait fait escalader avaient été un remède efficace. Elle regarda sur les côtés et se décida, s'accrochant à une pierre de la façade dans l'idée de grimper sur le toit pour ensuite trouver une meilleure échappatoire, là où on irait pas la chercher. Alors elle n'aurait plus qu'à redescendre de l'autre côté et à s'échapper par la ville.

Le pas léger, le dos courbé, Ezra avançait à pas feutré sur le toit du château. Elle connaissait le bâtiment, elle avait arpenté ses couloirs, ses jardins, ses tours, partout là où elle avait l'autorisation d'aller, elle s'y était rendue. Alors elle connaissait le chemin, et elle avançait, sans hésitation. Elle se glissa jusqu'à l'autre versant du palais et, toujours avec la même agilité, se laissa glisser en dehors des remparts. La première étape était faite, elle n'avait plus qu'à fuir la ville, maintenant. Et elle savait parfaitement comment elle allait faire ça. Elle aurait juste aimé avoir une tenue plus sombre, pour mieux se faufiler dans les ombres. Ses pas la menaient vers le port, son esprit était concentré sur son environnement. Les bruits, les voix, les pas, ceux qui étaient solitaires, ceux qui étaient groupés, ceux qui pouvaient être des soldats, ceux qui n'étaient que ceux d'ivrognes, juste pour éviter toute rencontre malvenue. Et bientôt elle arriva sur le port, où elle chercha contrebandier ou pirate qui pourrait l'éloigner en échange de quelques pièces.