L'information était arrivée aussi vite que le vol d'un corbeau. Alrik Timbal, son frère et leurs hommes avaient conquis Salrivage, une cité portuaire Dornienne. Seul le destin pourra nous dire si son règne sera long. Mais moi, Harwyn Chenu, je ne crois pas un seul instant, que la sévère Sélènia Martell laissera le Timbal instaurer son petit royaume sur ses terres. Quoi qu'elle ait consenti à faire, elle trouvera un moyen de tirer les bonnes ficelles pour rejeter à la mer ce foutu fer-né. Les Dorniens sont fiers, belliqueux et libres, jamais Alrik Timbal ne pourra garder cette cité... Pas si loin des Iles de Fer, encerclé par le désert et la chaleur arrhassent du soleil de l'Est. Les terres de la Principauté ne sont guères intéressantes, la terre y est trop sèche, aride et infertile. Une cité plus proche de la frontière Bieffoise aurait été plus profitable, les Météores par exemple, bien situé à l'embouchure de la Torrentine et bordant la mer du Crepuscule. Mais les jeunes ambitieux ont la tête dure, ils ne veulent rien entendre d'un vieux loup de mer comme moi. S'ils ne veulent pas apprendre de moi et me soutenir, que le Noyé les emporte jusqu'au fond des océans !

Aujourd'hui, et pour les prochaines années, c'est moi qui suis assis dans le trône de Grès. Tous ces jeunots, tétant encore les seins de leur mère, rêvent d'asseoir leur cul terreux sur ce trône réservé aux véritables fer-nés. Jamais je ne ploierai le genou face à ces jeunes insolents, ces suppôts du Dieu des Tornades, qui ne cherchent qu'à semer la discorde et la division au sein de notre peuple.

Un homme en armes s'avance dans la salle pour m'informer que le Timbal est devant la forteresse. Que vient faire ce misérable ici ? Pourquoi a-t-il quitté sa petite cité Dornienne pour venir jusqu'ici ? A-t-il fui les combats ? Le lâche !

- "Faites-le entrer." - ordonnais-je au soldat.

Je soupire gravement en observant le soldat quitter la salle pour conduire le Timbal jusqu'ici. J'observe le fer-né à la barbe roussi entrer, un grand sourire plaqué sur son petit visage vicelard.

- "Roi Chenu, n'oubliez pas. Seigneur Timbal, je crois me souvenir... que notre dernière rencontre date du jour où vous m'avez insulté. Que me vaut votre visite ? Vous avez fui Salrivage ?" - dis-je avec un visage fermé.

EPSILON

Un faux sourire s'affiche sur mon visage, ainsi qu'un faux rire. Comment pourrions-nous oublier le jour où Alrik Timbal a bafoué mon honneur devant les autres Seigneurs des Iles de Fer ? Un sourire malingre se dessine sur son petit visage d'ingrat, je n'ai jamais apprécié cet homme... une défiance naturelle nous a toujours animé.

- "J'ai bien du mal à comprendre qu'elle mouche t'avait piqué pour que tu décides d'aller t'enterrer dans le sable de ce désert Dornien. N'était-ce pas trop téméraire ? Et pourquoi donc quittes-tu ton territoire inhospitalier ? Les indigènes Dorniens vous auraient-ils chassés vers la mer à grands coups de pieds dans le cul ?" - répliquais-je avec amusement, riant en terminant ma phrase.

Je ne manque pas d'offrir un petit rire amusé en imaginant le Timbal se faire chasser de Dorne, et revenir jusqu'ici en faisant mine de n'avoir subi aucune défaite. Je hoche de la tête en écoutant le fer-né vanter les mérites de la soif des hommes de nos îles... la gloire, les combats, les aventures... Mais je comprends tout de même sa petite pique à peine dissimulée.

- "Les Rois du Continent devraient apprendre à s'amuser comme nous autre fer-nés. Je ne connais pas de fer-né capable de rester assit sur un siège dans l'illusion du pouvoir, nous sommes trop réalistes pour ça. En parlant de fer-né, ou est donc ta femme ? Ta blonde de sorcière qui te suivait partout comme ton ombre ? Tu l'as laissé à Dorne ? Ou un autre fer-né te l'aurait-il volé ?" - répliquais-je avec un peu plus de sérieux.

J'observe ce fer-né s'accaparer un pichet de bière traînant dans un coin de la salle. Il me tend une broque, que j'attrape en attendant de connaître la véritable raison de la présence de cet homme ici. Un bon verre de bière précède toujours les nouvelles les plus intéressantes.

- "Les Nordiens ont toujours étés des soldats redoutables, fiers et aussi téméraires que nous autres. Les raids fer-nés ne sont plus une surprise pour eux, nous faisons ça depuis des siècles. Mais je préfère le froid vivifiant du Nord que l'infâme sable du désert de Dorne. Alors... Qu'attends-tu pour me cracher le morceau concernant ta visite ? Que veux-tu obtenir de moi ? Qu'est-ce qui t'as fait quitter ton château de sable, ton petit bout de royaume, pour venir me voir moi ?" - répliquais-je très sérieusement, sans être dupe.

EPSILON

Un sourire moqueur étire mon visage, seul le Noyé sait à quel point je n'apprécie pas ce foutu fer-né, ce Timbal trop arrogant. Je m'amuse de voir son faciès se tirer sous une colère assez bien dissimulée, tandis que son regard me transpercer de mille épées.

- "J'ignore quelle réputation on te donnerait, mais je sais quel nom nous te donnerions si tu avais fui Salrivage en laissant tes hommes derrière toi. Mais ce n'est pas le cas, tu n'es pas de cette trempe." - répliquais-je avec amusement.

Alrik Timbal ne se laisse pas démonté, mais je le sens un peu préoccupé. J'observe un peu plus en détails mon vassal, essayant de trouver dans sa posture ou sa tenue un indice sur un secret quelconque à utiliser contre lui. Mais rien ne semble particulièrement trahir cet homme ayant quitté sa colonie pour venir jusqu'à moi, seul et sans aucun présent pour montrer sa bonne fortune. Alrik Timbal est pourtant le genre d'homme à étaler sa réussite, il aurait été parfaitement capable de venir jusqu'à moi avec un bouclier Dornien, une tête ou deux, voir un coffre de monnaie Dornienne... tout ça dans le but de se vanter et de prouver sa conquête... Mais pourtant.. il est devant moi les mains vides...

- "Tu parles comme un homme ayant été leurré comme un imbécile avide, est-ce le cas ?" - répliquais-je en haussant les sourcils plus sérieusement.

Je note que le fer-né a tout simplement ignoré le sujet concernant sa femme... la cousine de son ami Bonfrère il me semble... Le Timbal était pourtant si fier de sa jolie femme, cette sorcière étrange et menaçante. Et tout à coup... la voilà disparue... Sans doute perdu avec la cité de Salrivage. Le sujet sérieux est enfin de mise ! Il était temps ! Je commençais presque à m'ennuyer ! Alors comme ça... il veut rejoindre la nouvelle campagne que je prépare...

- "Toi ? Tu veux faire partie de mon armée ? Tu as un grand sens de l'humour Timbal. La dernière que nous nous sommes vue... tu disais que mon ambition n'était pas la tienne... que tu n'avais rien à gagner dans le raid que je préparais. Et maintenant... te voilà devant moi... après avoir quitté pour une mystérieuse raison ta cité Dornienne et tes rêves de royaume... tout ça pour venir au sein de mon armée pour conquérir d'autres terres ? Dis-moi la vérité Timbal... Que s'est-il passé à Dorne ? Arrête d'esquiver le sujet. Soit un homme, réponds-moi !" - répliquais-je avec sérieux et moquerie.

EPSILON

Les temps ont changé... Il n'a pas tort, le temps passe... la nature se transforme, et les gens vont et viennent... naissent et trépassent. Mais les fer-nés sont tels des rocs aux pieds des falaises escarpées des Iles de Fer, ils ne ploient jamais... au contraire, ce sont eux qui déchirent les coques des navires trop inconscients du danger. Alrik Timbal cherche à me faire gober qu'il me soutient dans mon plan de conquête... qu'il veut s'allier à moi, et rallier mes inimitiés à ce vaste projet. Oh... Je ne doute pas une seconde qu'il cherche à conquérir des terres, mais je sais qu'il envisage très certainement de me poignarder dans le dos le moment venu. Qui laisserait passer une telle occasion hein ? Lorsque je serais sur le champ de bataille... à deux doigts de prendre les terres de l'Orage-Conflans, qui donc n'hésiterait pas à me prendre ma couronne d'un coup épée dans le dos ? Sans doute pas lui, ce vieux renard.

Le Timbal m'annonce avec fierté avoir obtenu un accord avec la Princesse Sélènia Martell, un parchemin stipulant sa légitimité sur le territoire de Salrivage. Un rire grave m'échappe... ce fou de Timbal !

- "Tu as conquis Salrivage... tué ses citoyens, tué ses nobles... Et tu penses vraiment que la Princesse Sélènia Martell octroie réellement la moindre valeur à ce bout de papier ? Tu es bien bête Alrik Timbal. Te connaissant... tu lui as sans doute fait signer en échange d'otages, donc par la force... Les Dorniens sont fiers... quoiqu'elle t'ait donné, elle le reprendra. J'ai déjà eut le plaisir de converser par missive avec elle, c'est une femme intelligente." - répliquais-je avec sérieux et moquerie.

Alors voilà le secret... les pièces du puzzle s'assemblent enfin. Timbal possède un exemplaire d'un document lui donnant une "légitimité" sur Salrivage, et cet idiot pense réellement que les Martell respecteront ce stupide morceau de papier. Je ne vois que deux possibilités... soit les Martell reprendront Salrivage durant l'absence de Timbal... soit ils l'ont déjà repris, ce qui explique la présence de Timbal ici. Ce fou va finir par se faire tuer... ils se battront tous pour ce papier insignifiant.

- "Tu t'éloignes de l'Antique Voie en donnant de la valeur à ce morceau de papier... Mais tu éveilles ma curiosité... Montre-moi donc ce document, Timbal." - répliquais-je avec sérieux.

Je prends un temps de réflexion en observant le Timbal. S'il possède encore des troupes... j'en aurais un bon usage pour conquérir le Conflans et l'Orage. Comme le dit le célèbre diction, "Sois proche de tes amis, et encore plus proche de tes ennemis."

- "Tes navires et tes hommes ne seront pas de trop Timbal. Combien as-tu de soldats et de navires à ta disposition ?" - répliquais-je simplement.

EPSILON

J'observe en silence et avec un brin de curiosité le Timbal tirer de son gambison une lettre cachetée soigneusement pliée. Le document me semble authentique, autant que mes yeux peuvent le voir d'ici. Le Timbal protège ce document comme s'il craignait que je lui arrache des mains. Ce document sans valeur n'est qu'une preuve supplémentaire qu'il a fondé ses plans sur un château de sable, qu'il ne possède peut-être plus réellement.

- "Mais si elle t'avait tranché la gorge, les otages seraient morts exécutés. Les Princes et Rois du continent se doivent de sauver leurs nobles sujets, pas d'êtres complices de leur mort. Te tuer durant un tête-à-tête n'aurait pas délivré Salrivage, non ? Prendre des otages est toujours un excellent moyen de pression, particulièrement quand une maison entière risque l'extinction." - répliquais-je simplement.

Alrik Timbal se vante d'avoir encore de nombreux navires et soldats, par centaines. Comment peut-il bien pouvoir garder Salrivage et s'élancer en même temps sur un autre front ? Ca ne tient pas la route.

- "Tu regorges de troupes et de navires malgré ceux laissés à Salrivage, d'où sors-tu tous ces gens ? Ils sont les bienvenus aux côtés des hommes et femmes qui combattent pour conquérir l'Orage-Conflans. J'espère que tes compagnons d'aventure... le Salfalaise et le Bonfrère nous rejoindrons pour piller et brûler quelques fermes des terres boueuses." - répliquais-je simplement.

EPSILON

Je partage le sourire du Timbal en l'entendant commenter la faiblesse des seigneurs continentaux. Qui aux îles de fer irait secourir un compatriote ? Ou même son souverain ? Personne, ni le Timbal, ni moi-même. Les fer-nés peuvent être comparés à des loups, mais les loups ont bien plus l'esprit de groupe. Les continentaux sont des abeilles, ils vivent en essaims autours de leurs reines, bâtissant et voyageant pour faire vivre la colonie. Mais il serait faux de tous les sous-estimer, certains ont plus de couilles de d'autres, les Orageois, les Nordiens, et la Princesse Martell en possède un peu aussi.  

Je hoche la tête en silence, le Timbal dit que des opportunistes en quête de gloire et de richesses sont venus le rejoindre à Salrivage. Ils auraient mieux fait de se trouver un autre os à ronger, pourquoi aller s'enfermer dans une ville déjà pillée perdue entre le désert et l'océan ? Je me lève lentement de mon trône pour rejoindre la table, remplissant deux gobelets d'étain par le contenu d'un pichet. Je me retourne vers le Timbal pour lui tendre le gobelet, puis je remonte les quelques marches menant au trône, levant ce gobelet pour que tous puissent le voir.

- "Tout les fer-nés sont les bienvenus dans ce raid contre l'Orage-Conflans, toi et tes soldats y compris. Puisse le roi Durrandon nous rendre glorieux sur le champ de bataille, et nous couvrir de l'or qu'on lui arrachera ! Trinquons à ça !"

Que le Timbal ne se leurre pas, m'allier à lui ne prouve pas que je lui fais confiance. Je suis toujours aussi certain que cette cité Dornienne n'est rien de plus qu'un mirage dans le désert. Je trouverai bien quelqu'un pour me le confirmer...

EPSILON