La nuit a encore été courte pour Aspasia. Elle vivait son idylle à Villeveille. Traitée comme une Princesse, admirée comme une Reine, mais n’était en réalitéqu’une Courtisane parmi tant d’autres. Une qu’on traitait de tout les noms lorsque son bénéfacteur était absent. Elle était peut-être la dame de Bénédict, mais elle ne sera jamais la Dame de la Tour. La situation dans laquelle elle se trouvait était des plus inconfortables et des plus dangereuses : mais telle était la vie qu’elle a décidé de mener. Alors qu’elle s’habillait et se préparait pour une balade au port, Aspasia fut interrompue par un serviteur, qui l’informa d’une invitation de la part de Bénédict. Elle accepta évidemment : un petit-déjeuner avec son amant valait mille sorties dans les rues de Villevieille.

Elle arrangea ses cheveux en un chignon soigné qu’elle consolida d’une broche en forme de fleur de lys, puis se retrouva aux appartements du lord Hightower. Elle connaissait bien ceux-ci ; peut-être trop. Elle savait quelle fenêtre donnait la meilleure vue et quelles portes d’armoires grinçaient le plus. A la proposition de Bénédict, Aspasia viendrait à sourire, acceptant d’un gracieux mouvement de tête.

« Avec grand plaisir. J’ai une faim de loup. Avec vous lu dans mes pensées ? »

Fit-elle d’un air taquin, se dirigeant vers la table à manger. Elle ne s’y installa pas, attendant que Bénédict lui tire la chaise.

(c) mars.

Des grondements de loup, mais elle n’est qu’une renarde, dans la jungle géante qu’est Villevieille. Si Bénédict, par son savoir et sa prestance, arrive à mettre de l’ordre dans les lieux, ce n’est nullement le cas de la fille du peuple. Mais tout ce qui se passe chez les Hightower lui sert de leçon pour le futur. Même si sa Loge lui interdisait toute affiliation politique, Aspasia ne comptait pas respecter ses enseignements à la lettre. Avec tout le savoir et le pouvoir qu’elle possède, elle compte bien être plus qu’une marchande d’Essos, ou d’une guérisseuse de village. Omettant ses ambitions pour l’espace d’un petit-déjeuner avec l‘homme qui lui est cher, la sorcière s’installe sur le siège qui lui est offert.

« Effectivement. Il fait beau dehors. Les Dieux nous ont béni d’un long été. »

Quels Dieux ? Ceux d’Essos, ou ceux du Continent ? Bénédict ne le saura sûrement jamais : car tout ce qui fait Aspasia est son mystique. N’est-ce pas pour ça qu’il l’a choisi comme partenaire de couche, plutôt que l’une des autres filles de Villevieille ? La demoiselle attrape une orange, qu’elle se met à éplucher à l’aide d’un couteau argenté. Elle aime ses petits-déjeuners légers, et ses dîners copieux.

« Peut-être que nous pourrons mélanger nos concoctions à l’air frais, aux balcons. Nous n’aurons pas à nous soucier d’odeurs, si le vent les emporte avec lui. »

Elle voulait surtout profiter de l’air frais, mais ne l'avouait pas.

(c) mars.