Pendant la semaine de maladie de Roslin, Aspasia n’était plus à Vivesaigues. Elle avait quitté la forteresse pour rejoindre un village en périphérie de celle-ci lorsqu’elle a ouïe dire que ses paysans voyaient leurs vaches mourir pour des raisons inconnues. L’on n’allait évidemment pas envoyer le mestre juste pour ça : alors Aspasia se proposa gentiment. Après de nombreuses péripéties, elle découvrit que le problème provenait d’un manque d’hygiène dans l’endroit où on gardait le bétail. Un problème typique à Westeros. La sorcière conseilla les villageois et leur offrit son avis sur la façon à procéder si le problème viendrait à se répéter. On lui offrit quelques pièces d’argent, et on lui souhaita une bonne route, et Aspasia était de retour à Vivesaigues, une semaine après.

Elle ne fut pas accueillie par Roslin, ni par le mestre. Mais par des bruits de couloir : l’on racontait que la bâtarde des Conflans n’avait pas quitté son lit depuis quelques jours, et que depuis, les couloirs étaient beaucoup plus calmes. D’autres disaient que les dieux punissaient les Tully pour l’avoir engendré. Mais ce qui la surpris le plus était d’apprendre que le mestre l’avait gardé dans son lit, sans soins supplémentaires. Commençant à être enragée, Aspasia se hâta vers la chambre de Roslin. En route, elle demanda à deux servantes de la suivre- des amies à elle.

Le spectacle qui s’offrit à elle en pénétrant dans la chambre n’était pas joyeux. Voir la petite fille dans cet état de faiblesse et vulnérabilité fit mal au cœur d’Aspasia, qui prit une grande inspiration pour demeurer impassible. D’une voix autoritaire, mais qui demeurait douce, elle lança aux servantes qui la suivaient.

« Bon… Bessy, ramène-moi une bassine d’eau froide et un tissu propre. Leia, mes affaires de ma chambre, s’il te plaît. Et Léna- une soupe et du jus. »

Pendant qu’elles s’affairaient à leurs tâches, Aspasia approcha le lit de Roslin. Le mestre n’apprécierait peut-être pas ce qu’elle fait, en tentant ses propres méthodes. Peut-être que les Tully verraient d’un mauvais œil le fait qu’elle utilise leurs servantes. Mais ce n’étaient pas des raisons pour laisser périr Roslin. La magicienne s’assit au bout de son lit, pour sonder sa température en apposant sa main contre son front. D’une voix basse, elle demanda.

« Roslin ? Tu m’entends ? »

(c) mars.

Au cours de sa vie dans les routes et villages de Westeros, Aspasia a pu soigner bon nombre de personnes. Des cas inédits ; jamais vus, selon certains. Elle a guéri des blessures qui enverraient les guerriers le plus hardis vers les Sept Enfers, et assisté des grossesses qui duraient des jours. Elle avait l’expérience qu’il fallait pour soigner ce qu’avait Roslin. Mais les guérisseurs avaient un ennemi qui les suivait, comme une ombre fidèle : l’excès de confiance. Bon nombre d’entre eux oubliaient leurs préceptes et leçons pour se reposer sur leurs lauriers, avant de se rendre compte que les fondations ne sont que trop faibles. Mais c’est trop tard.

« Je vais essayer, milord. J’ai juste besoin… »

Elle ne finit pas sa phrase, comme perdue dans ses pensées en examinant Roslin. Son front est brûlant, et une fatigue particulière se lit sur ses yeux. Son teint ne donne pas une impression de santé- et sa voix, elle devrait sûrement conserver son énergie. Celle d’Aspasia augmentait exponentiellement, animée par la colère qu’elle ressentait à l’encontre du mestre de Vivesaigues. Tout cela aurait pu être évité, s’il s’y était pris plus tôt, ou s’il avait pris l’état de santé de Roslin plus au sérieux. Au retour des trois servantes, la sorcière se releva pour se diriger vers une table, répondant par la même occasion à son hôte qu’elle semblait avoir omis pour l’espace d’un instant.

« De temps. Merci, les filles. Dis-moi, Roslin, cette douleur, tu la ressens depuis quand ? Est-ce qu’il a fait particulièrement frais, dehors ? »

Demanda-t-elle en écrasant quelques pétales de camomille, des baies de sureau noir et des feuilles d’eucalyptus dans un mortier. Il s’agissait d'ingrédients qu’elle a acquis au cours de ses aventures, à arpenter les bois des Conflans et du nord du Bief. C’était impressionnant de voir à quel point la nature offrait des remèdes aux problèmes qu’elle engendrait. Ce qui était encore plus impressionnant était l’ignorance générale de ce cadeau, et de la confiance aveugle que certains accordaient aux prières ete à la bonté de la Mère. Les mouvements d'Aspasia ont agiles et précis, démontrant une certaine habitude et un certain professionnalisme. Une fois ses herbes écrasées, elle les mettrait dans un bocal contenant du miel.

(c) mars.

La guérisseuse enfonça ses herbes et baies dans le miel à l’aide d’une cuillère argentée, les laissant mariner. Elle n’entendait pas les conversations qui se faisaient dans son dos, mais sentait le regard du Lord Samwell sur elle. De quoi parlaient-ils ? Peu importe ; elle savait maintenant que Roslin était malade depuis une semaine. Cela fait quand même une bonne période qu’elle est malade. Un fait peu rassurant, mais ce n’était pas pour autant que les médicaments et potions d’Aspasia ne fonctionneraient pas. Et puis, sa maladie n’est pas due à un contact avec l’extérieur ou à cause du froid : cela laissa une autre option pour Aspasia. Elle mélangea silencieusement, puis demanda.

« Et dis-moi, est-ce que d’autres personnes au château ont eu des symptômes comme toi ? Des maux de têtes, peut-être ? »

Une fois sa mixture fini, la guérisseuse pivota vers le duo, leur offrant un mince sourire alors qu’elle s’approchait du lit. Elle présenta sa fiole aux Tully, leur expliquant ce qui s’y trouvait.

« J’ai fait ce petit quelque chose- des herbes, et du miel. Ça va aider à la guérison. Disons… Quelques cuillérées le matin et le soir, jusqu’à c qu’il n’y ait plus rien. Puis-je ? Enfin, à moins que vous vouliez procéder, Lord Tully. »

Fit-elle en tendant le récipient en verre vers le père de Roslin, lui proposant d’administrer les soins à sa fille. C’était sûr de les rapprocher encore plus, et de lui donner l’impression qu’il avait un certain pouvoir sur la situation. C’était certes un geste minime, mais c’était bien ceux-ci qui différenciaient la guérisseuse du mestre de Vivesaigues. Leur expliquait-il les procédures à suivre, et leur donnait-il la chance de participer à ses activités ? L’on dit que la Citadelle accouche d’hommes fiers et bornés, et que ceux qui tentent les chemins alternatifs s’en voient expulsés. Aspasia offrit un sourire convaincant au Lord Tully.

(c) mars.

Elle est magique : c’est le cas de le dire. Tant au sens métaphorique que littéraire. Si Aspasia est une fière adepte des arts occultes, il est également vrai qu’une dame pareille n’est pas née chaque génération. De grandes connaissances en herbes et en médecine, et en divers sujets qui font d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. Elle se disait parfois que toute femme qui aurait accès à une si grande bibliothèque que celle de la Loge est destinée à être splendide, et à développer des talents exceptionnels. Mais ce n’est qu’un mensonge qu’elle se répète pour garder une certaine modestie autour de sa personne.

Les mots du Lord Tully attendrissent Aspasia. De recevoir les félicitations d’un seigneur, pour une femme de son rang, c’est spécial. Elle lui répond rapidement, un sourire sincère au visage.

« Je vous remercie, milord. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que Roslin se rétablisse. »

La truite est le seul cas touché par la maladie. C’est rassurant à savoir. Une épidémie, en ces temps de trouble et de guerre, ce n’est pas ce qui manque. Versant un peu du contenu de sa concoction dans une cuillère en argent, Aspasia viendra à l’approcher de la bouche de Roslin, puis la déposa à l’intérieur de celle-ci.

« Le goût te semblera peut-être fort les premières fois, mais tu t’y habitueras. Je t’ai fait monter une soupe. Te sens-tu capable d’en boire ? Un bol, pour que tu reprennes de tes forces. »

Son ton semble doux et rassurant : sûrement ce dont Roslin avait besoin. En attendant sa réponse, Aspasia viendra à déposer une serviette humide sur son front, de sorte à la rafraîchir et à s’attaquer à sa fièvre.

(c) mars.

Une bénédiction, sans aucun doute. Mais aussi une malédiction. Son mentor lui a toujours dit que la Magie était les deux à la fois. La proposition du Lord semblait avoir surpris Aspasia. De se mêler des affaires des royaumes était contre ses vœux et préceptes de la Loge. Pourtant, elle devait le faire, pour protéger ceux qu’elle aimait : Roslin, sa famille, et tous leurs sujets- incluant les personnes possédant son talent de manipulation du Chaos. Elle prit son temps pour réfléchir à son idée, avant de lui répondre d’un air reconnaissant.

« Je vous remercie, Ser, et ça sera un honneur pour moi de m’établir de façon plus permanente à Vivesaigues, au côté d’apprenties. Avec les temps troubles qui s’annoncent, je suis certaines que les hommes auraient besoin de guérisseuses, et les femmes de sœurs, sur qui elles peuvent compter. »

Car son expérience avec les gens lui a appris à comment remonter le moral. Moral ; l’une des choses les plus importantes dans une guerre. Si son petit poste ne lui vaudrait qu’une tente devant les murailles de Vivesaigues ou l’oreille du lord Tully ne dépendait que d’elle, à présent. Et Aspasia n’allait certainement pas le décevoir. Pour finir, la jeune dame se dirigea à nouveau vers Roslin, pour s’assurer que tout était en ordre.

« Repose toi, maintenant. Et dans quelques jours, tu te remettras à courir partout ! Promis. »

La sorcière pivota vers les servantes, leur faisant comprendre d’un regard que ce petit rituel de soin sera régulier. Cela fait, elle dégagea l’une des mèches des cheveux de l’enfant de son front, pour s’éloigner de celle-ci, la laissant dormir. S’approchant donc de Samwell, elle lui proposa d’un air bienveillant.

« Nous devrions la laisser dormir. Souhaitez vous discuter de notre projet dans un endroit plus calme ? »

(c) mars.