Pourvue d'une petite troupe de soldats et d'un cheval fort et puissant, la carriole qui attendait Laerra brillait sous les rayons du soleil. Elle avait été nettoyée et lustrée pour l'occasion, et ses bagages étaient accrochés sur la partie arrière du véhicule grâce à une solide corde. Ne manquait plus que la jolie blonde, que toute l'escorte attendait. Des hommes à pieds avaient déjà pris position autour de la voiture et la garderaient jusqu'à l'arrivée, deux cavaliers étaient rangés, l'un devant et l'autre derrière, et un cheval attendait tout seul un peu plus en avant. James discutait avec son palefrenier, qui répondait à son supérieur sans relever les yeux vers lui. Tout était prêt, l'itinéraire tracé, le temps clément, les Blewulf prévenus de l'arrivée de leur invitée, et le chevalier avait enfilé sa plus belle armure. Il était en mission officielle aujourd'hui et même s'il ne s'agissait que d'une escorte de quelques heures, il se sentait fier d'avoir été sollicité pour une mission aussi importante. La bâtarde n'était que ce qu'elle était, mais elle était tout de même une proche de la nouvelle Reine. Un moyen comme un autre de se rapprocher un peu plus des missions importantes de la royauté.

Lorsque les rayons du soleil heurtèrent la chevelure dorée de Laerra qui sortait enfin, et que James posa les yeux dessus, son coeur manqua de s'arrêter. Le chevalier coupa court à la conversation qu'il tenait à son larbin pour se tourner vers la demoiselle, le regard brillant d'une flamme nouvelle. Les traits juvéniles de son visage et les courbes de son corps sortant tout juste de l'enfance l'appelaient, provoquaient son désir. Elle était magnifique, assez pour l'emmener à son bras à toutes les mondanités. Juste prête à enfanter. La peau blanche, les yeux clairs, un cou assez long pour qu'il puisse y glisser tous ses doigts et se l'approprier... James s'avança vers la demoiselle et s'inclina respectueusement devant elle, relevant ses yeux gris dans les siens alors qu'il était encore penché, les traits sérieux, le visage légèrement marqués des quelques rides emblématiques d'une petite trentaine d'années. « Ma Dame. » Il se redressa. « Sir James, chevalier en charge de vous escorter jusqu'à Plainedorme. C'est un honneur que d'être responsable de cette mission. » Poliment, il lui tendit le bras dans l'idée de la guider jusqu'à sa carriole.

Belle, douce, agréable... Trop pure pour ce monde. Le soleil sur ses cheveux, son rire clair et l'innocence de sa peau si blanche... Ce monde ne méritait pas pareille merveille. Il devait la protéger, s'assurer qu'il ne lui arrive rien. Le simple fait d'être une batarde... Elle méritait tellement mieux. Elle méritait la lune, les étoiles, tous les royaumes du monde. Tellement plus que certaines de ces nobles desquelles émanaient aucun charme, aucune prestance. James laissa la demoiselle s'installer et prit les devant du convoi, s'assurant du bon déroulement du trajet. Il avait bien cherché à discuter avec la belle, mais aucun sujet intéressant ne lui venait à l'esprit. Alors il s'était contenté de surveiller le chemin, attentif à ce que rien n'arrive à la demoiselle. Un temps de trajet durant lequel il mit à profit la naissance d'une haine profonde pour cette Annabelle qui menait remontrance sur remontrance à celle qu'il avait décidé de faire sienne. Une servante qu'il allait bien vite devoir dégager s'il voulait espérer passer un peu de temps avec Laerra.

Plainedorme était lumineuse, accueillante, pas encore pleinement développée mais ça ne tarderait. James n'aimait pas cet endroit. Rester serait bien vite un enfer pour lui qui avait l'habitude des grandes villes économiques. Mais son sens du sacrifice dépassait tout entendement, il était prêt à tout pour rester près de sa nouvelle obsession. La dernière avait été un fiasco, il s'y était mal pris, n'avait pu que cacher le corps, mais avec Laerra... Avec Laerra ce serait différent. Le carrosse s'arrêta et James descendit rapidement de son cheval pour venir ouvrir la porte à la jeune Flower. Il lui tendit la main, un sourire doux sur les lèvres, pour l'aider à descendre. « Permettez... » Les Blewulf ne tarderaient probablement pas à arriver et à monopoliser son attention, il devait grapiller chaque seconde de présence avec la jolie blonde.

Le corps tomba, lourdement, roulant légèrement dans les ronces qui gobèrent les tissus qui l'entouraient. Les mains pleines de sang, James tremblait. Il regarda autour de lui, anxieux, mais aucun garde ne semblait faire son travail dans le coin. Il se pencha, essuya soigneusement chaque parcelle de sa peau tâchée, et s'en alla du bois dans lequel il abandonnait Annabelle. Dans sa tête, la panique s'emparait de toute logique. La servante ayant disparu, la petite allait se poser des questions, alerter la garde, la famille Blewulf, et ce... Neal... Il y avait quelque chose en lui qu'il n'aimait pas. Il sentait qu'il représentait un danger, sans savoir pourquoi. Quant à sa sorcière de femme... Non, il ne pouvait pas rester. Il ne pouvait pas leur laisser l'opportunité de découvrir ce qu'il avait fait. Il pouvait l'emmener, loin, en dehors de Westeros même, il saurait prendre soin d'elle. Pourquoi refuserait-elle ? Elle n'avait rien ici, pas d'avenir, pas de titre, elle serait constamment relayée au rang de batarde. Elle n'avait aucune raison de s'opposer à lui. Mais alors pourquoi s'était-il sentit obligé de tuer Annabelle ? La question ne lui effleurait même pas l'esprit. Il remonta à la demeure des Blewulf, se dirigeant instinctivement vers les appartements de Laerra. Mais alors qu'il paniquait à l'idée de manquer de temps pour la retrouver, ce fut elle qui vint à lui. « Ser James ! Vous tombez bien, auriez-vous vu Annabelle ? Elle n'est nulle part et je suis un peu inquiète...» Le mensonge se forma tout seul dans son esprit. « Oui, elle est à l'extérieure, elle souhaitait découvrir un peu les environs. Venez, je vais vous conduire à elle. » Il fit un geste poli vers le couloir pour l'inviter à passer devant et la guida vers l'extérieur de la demeure. « N'êtes-vous pas curieuse de découvrir cette ville, dame Laerra ? Avez-vous déjà voyagé ? » demanda-t-il innocemment. Etait-elle prête à quitter ne serait-ce que le Bief ? Peu importe. Il la forcerait s'il le fallait. C'était pour son bien.

Encore plus facile que de chasser le lapin. Techniquement, ce n'était pas un mensonge, Annabelle avait bien fini sa vie en dehors des murs de cette ville, et son corps serait dévoré alors que son âme attendrait éternellement. La petite le suivait, il avait tout gagné. Il se sentait puissant, intouchable, et bientôt ils seraient tous les deux sur la route. La suite ? Il n'y avait pas pensé. Il était en plein délire psychotique et ne voyait que son désir instantané. Il était vrai qu'il avait eu du mal à la tirer des griffes de la sorcière, cette harpie impure qui exerçait dans des domaines qu'aucune femme ne devrait toucher, mais maintenant elle était avec lui. A lui. Pour toujours. « Vous verrez, le monde est merveilleux, bien plus grand que le laboratoire de Dame Meryl. » Il quitta, avec Laerra à ses côtés et sans se méfier des gardes qui pourtant les voyait s'éloigner, la ville, la guida vers les bois où était supposée attendre la servante. « De nombreuses fois, d'ailleurs je connais assez bien la région. » Le temps était doux pour la période, les environs calmes, les oiseaux chantaient, les fleurs n'avaient pas encore bourgeonné mais ça ne saurait tarder. Ils n'en verraient pas la couleur de si tôt. Hors de vue des gardes, il prit le bras de Laerra, avec galanterie, mais fermement. « Venez... On va prendre un raccourci. » Il l'entraîna hors du sentier, mais commençait à se montrer nerveux, regardant autour de lui. Des bandits ou des patrouilles seraient mal venus. Ce n'était franchement pas le moment. Son cheval n'était plus très loin, mais la jolie blonde traînait trop à son goût, et il rafermit sa prise pour tirer un peu plus fort. « Dépêche toi, bon sang ! »

Le poignet coincé dans sa main commençait à se tordre, cherchant à retrouver sa liberté, mais quitte à lui faire mal, James ne lâcherait pas. Il avait enfin sa prise, elle comprendrait avec le temps qu'il faisait ça pour son bien. « Arrête de gigoter et tu auras moins mal. » claqua-t-il. L'animal n'était plus très loin, il l'y attacherait s'il le fallait. Le temps lui était compté. L'absence de la servante était passée inaperçue pour l'instant mais celle de Laerra sauterait aux yeux plus rapidement. C'était une bâtarde, mais tout de suite. L'homme s'arrêta net en sentant que le corps de la demoiselle s'était immobilisé suite à un ordre cinglant. Le sang ne fit qu'un tour dans ses veines. Il se tourna, la toisa du regard avec une lueur malsaine dans le regard. « Un ordre ? » Un petit ricanement s'échappa de ses lèvres. « Je t'offre une échappatoire à cette vie morne que tu mènes, et tu veux me donner des ordres ? » Sans lâcher son poignet, il approcha d'elle, assez lentement pour qu'elle recule, balayant son corps du regard de haut en bas avec gourmandise. Il avait tellement envie d'elle, de son corps, de son âme toute entière... Rapidement, il attrapa son corps et la plaqua contre un arbre. Sa main libre se posa aussitôt sur sa bouche pour l'empêcher de crier et il planta ses yeux vides dans les siens. « Shh... Ne crie pas ma douce. Tu es en sécurité avec moi. Je vais t'offrir tout ce qu'ils n'ont pas su t'offrir. Tu mérites tellement mieux. » Son souffle s'emballait légèrement, son pantalon devenait étroit. Il libéra doucement sa bouche pour caresser ses cheveux blonds. « Tu es si belle. Quelle chance pour moi que tu sois une bâtarde... Personne n'aurait voulu de toi. Tu aurais été vendue au premier sous seigneur de la région, résignée à pondre une descendance. Mais ce corps... C'est un temple, sacré. Et il m'appelle... » souffla-t-il dans un murmure. Il se pencha légèrement, venant respirer l'odeur de ses cheveux. « Nous allons vivre des aventures extraordinaires, toi et moi. Et le moment venu, tu porteras mes enfants. »

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