IL Y’A DEUX SEMAINES…
06 :34
Les chants d’oiseaux étaient étouffés par le bruit des cloches du Septuaire, alors que les rayons solaires pénétraient lassement dans l’enceinte du bâtiment. Dans les alentours, l’on ressentait clairement une grande joie mêlée à une certaine tension. Ce jour-ci était l’un des plus importants et spéciaux. Au crépuscule, une dizaine de jeunes filles et de jeunes garçons feront leurs vœux de septons et septas, jurant ainsi leur vie aux Dieux, et ce, jusqu’à ceux-ci les appellent à leurs côtés. Dans les coulisses du temple, là où les visiteurs n’avaient pas accès, Ursula se fit réveiller par un coup de canne de la part de la Septa Gladys.

« Il est l’heure de te réveiller, Bethany, à moins que tu pensais passer ta journée au lit… Ce qui ne sera pas plus mal. Habille-toi rapidement, mange et rejoint Septa Jude aux balcons. Et vite, tu sais qu’elle n’aime pas attendre. »

Et voilà qu’elle était repartie, sans laisser à la brune le temps de lui répliquer. Depuis qu’elle était dans ces lieux, c’était Jude qui s’occupait d’elle. Elle supervisait ses leçons et s’assurait de sa sécurité et de son intégrité. Elle lui a appris les coutumes de l’Ouest et des Andales, ainsi que les bases et les complexités de la Foi. Jude lui a toujours dit qu’avec ses traits fins et sa vivacité d'esprit, elle réussira à devenir la préceptrice d’une noble, et qu’elle pourra peut-être un jour se retrouver à la cour des Lannisters, à éduquer leurs princes et princesses dans la foi.
Secrètement, Ursula a toujours voulu associer Jude à une figure maternelle. Elle, qui n’en a jamais eu, fantasmait presque à l’idée d’avoir un tel personnage dans sa vie. Une personne qui la rassurait à chaque fois que tout allait mal, et qui l’aidait à se relever après chaque chute. Mais Jude n’en avait aucune caractéristique. Parfois, Ursula se demandait même si la vieille dame avait un minimum d’empathie et de bienveillance, ou si son cœur était figé telle les statues en marbre de ce temple. En réalité, elle n’était ni mère, ni Septa, dans ses agissements. Elle voyait la demoiselle comme une façon d’arriver à ses fins ; elle l’a toujours vu de cette façon. Lorsque Jude devait rencontrer un seigneur, sûrement pour lui échanger une confession en l’échange d’argent, c’était souvent Ursula qui gardait la porte. Quand Jude voulait un nouveau bijou, une dague ou un poison, c’était la jeune Ursula qu’elle envoyait dans les marchés, pour ne laisser aucun doute quant à sa modestie. Ce serait mentir que de dire que la fer-née détestait sa mentore ; elle lui a apprise beaucoup de choses, et a été sa première amie dans ce royaume étranger. Et bien qu’elle sût que ses intentions n’étaient pas pures, Ursula ne remettait jamais en question ses ordres.

07 :11
« Ah. Te voilà, Bethany. Je pensais que je devais refaire sonner toutes les cloches du Septuaire pour que tu daigne te réveiller. Bref, ce soir, comme tu le sais, sera une étape importante pour toi. Tu cesseras d’être… Ce que tu es, et tu deviendras l’une des notre, une Septa. Tu auras des pouvoirs et des responsabilités plus importantes. Mais tu ne dois pas oublier ce que tu es et qui t’as élevé. Nous pouvons accomplir de grandes choses, ensemble. Sache que tes parents seraient très fiers de la femme que tu es devenue, et que tu vas devenir à mes côtés. »

Avait-elle conclu, avant de quitter la pièce. Figée, la fer-né souffla du nez, presque amusée de la situation. Jude n’en savait rien sur ses parents. Elle ne savait pas que son père était le Lord Volmark aux îles de fer, et que sa mère était l’une des plus belles dames de son époque. Elle ne savait pas que son géniteur était un monstre ; un ivrogne violent, et abusif. Personne ne se doutait du frère jumeau qu’elle a laissé aux griffes de leur père pour pouvoir se sauver la vie et de ce que ce sacrifice a causé dans son psyché. Enfin, nul ne savait le fait qu’Ursula ne se trouvait au Septuaire que parce que le navire qu’elle a utilisé pour fuir les îles n’a pas survécu la mer déchaînée. A la place, Jude croyait l’histoire que tous tenaient pour acquise. Bethany est la fille de marchands des Terres de l’Ouest, qui ont fait naufrage sur les côtés où elle a été retrouvée. C’est là l’identité d’Ursula ; un mensonge, qu’elle a créé de toute pièce lorsqu’elle a pour la première fois été découverte par un septon sur la plage. Elle connaissait la haine irrationnelle des continentaux face à son peuple. Se faire passer pour une victime locale était la meilleure façon de gagner leur sympathie et de survivre ; alors la voici, après des années de manipulation et de tromperie. Elle était peut-être en vie, mais Ursula ne se sentait pas vivante. Le Septuaire était un lieu oppressif. La plupart de ses faits et gestes étaient observés, et elle n’avait droit à aucune intimité. Elle haïssait chaque seconde qu’elle passait ici, mais savait que c’était l’endroit le plus sécurisé pour les jeunes dames de basse naissance et sans famille. A aucun autre endroit l’on était nourri, logé, vêtu et soigné sans contrepartie.

12 :56
« Bethany ? Je te cherchais. », annonçait Septa Gladys en l’approchant. « La bibliothèque n’a pas été nettoyée depuis… Des semaines ! Pourquoi n’utiliseras-tu pas ton dernier jour en tant qu’apprentie pour te rendre utile et le faire ? »

Voilà que la Septa lui tendait un balai. Dès que la brune allait poser la main dessus, Gladys le laissa glisser de ses doigts, accompagnant ce geste d’un petit « Oups » suivi d’un rire moqueur. Alors qu’Ursula se baissait pour le ramasser, la Septa s’en alla, lui jetant un dernier regard. Elle a toujours été cruelle avec les apprenties, et même les plus innocentes et dociles. Elle était toujours la première à proposer des châtiments physiques lorsqu’elles ne se tenaient pas à carreau. D’ailleurs, Ursula s’est souvent imaginée à tuer Gladys. Elle pourrait la défenestrer lorsque personne ne regardait, ou glisser l’un des poisons de Jude dans ses boissons. Mais c’était trop risqué. Elle n’allait pas risquer sa vie pour se venger d’une vieille dame. L’insulaire a alors dirigé cette haine vers les entraînements et le duel. Un jour, lorsqu’elle se trouvait en ville pour délivrer une lettre de Jude à un marchand, la belle attira le regard d’un soldat. Il était difficile de dire s’il la voyait comme sa fille ou comme autre chose, mais il semblait apprécier chacun de leurs moments. Profitant de l’occasion et de leur proximité, la Volmark lui expliqua comment Bethany a toujours voulu savoir se défendre à la lame, et l’a supplié pour des leçons ; ce qu’il fit, depuis maintenant des années. Leurs leçons étaient courtes, mais régulières. Ursula ne pouvait effectivement pas disparaître du Septuaire pour trop longtemps.

14 :49
« O…Oh… B…Bethany ? Est-ce b…bien toi ? Je sais que… que tu deviens une Sep-Septa ce soir ! Aur... Aurais-tu la patience et la b-bonté pour lire un peu à un vieil homme ? »

Demanda Septon Anthony, de sa voix fébrile. Il était d’un très grand âge, plus âgé que Gladys et Cordélia. Depuis des décennies, il s’occupe de la bibliothèque du Septuaire, et depuis quelques années, il a perdu la vue. Souvent, lorsqu’une personne venait à la bibliothèque, Anthony lui demandait de lui lire quelques passages de livres religieux, pour se reconnecter à sa foi comme il le pouvait. L’apprentie Septa a toujours accepté cette tâche ; en fait, elle allait parfois exprès à la bibliothèque pour lui faire sa lecture. Sauf que récemment, la fer-née se sentais de plus en plus mal à l’égard du Septon. En effet, il y a de ça quelques temps, elle a profité de l’une de leurs séances de lecture pour lui voler de l’encre et un corbeau pendant son sommeil. Elle les a utilisés pour contacter son jumeau aux îles de fer.
Leur relation était fusionnelle ; l’on disait que lorsqu’ils étaient nés, ils se tenaient la main. Depuis, Victarion et Ursula étaient inséparables. Ils faisaient tout ensemble ; les leçons du précepteur, les entraînements avec le maître d’arme… Et subissaient les mêmes souffrances de la part de leur père. Le tout a commencé lorsqu’ils étaient enfants. Lord Victarion aimait sa femme plus que tout, et lorsque les jumeaux sont nés, celle-ci est décédée. Depuis, il les blâmait pour sa mort. Lors d’un épisode de violence inouïe, les jumeaux ont décidé de fuir, mais seule la petite fille y est arrivée. En utilisant le matériel du vieux septon, elle reprit contact avec Victarion. Une correspondance s’en suivit, où ils prirent les nouvelles l’un de l’autre, et se décidèrent d’une nouvelle stratégie. Le Septon en était inconscient.

19 :02
« Silence, s’il vous plaît ! Bien. Lorsque vous étiez venus à nous, vous étiez perdus. Vous ne connaissiez pas les péchés qui corrompaient la chair des hommes… Mais avec votre séjour ici, vous avez appris à reconnaître la foi qui somnolait dans vos cœurs ; dans vos âmes. Vous étiez sans compagnon, mais aujourd’hui, les Dieux vous accompa.. hm.. ? AU FEU ! »

Septa Cordélia avait hurlé telle une harpie, alors que la panique s’installait dans le Septuaire. Les futurs Septas et Septons se tenaient au centre du bâtiment, où la soixantenaire était supposée les regrouper pour les guider au repas qui précédait leurs vœux. C’est de sa position privilégiée qu’elle aperçut une large flamme danser dans les appartements des apprenties. Ce feu n’était pas un hasard, pour Ursula. Alors que toutes quittaient la chambre commune après s’être préparées, l’insulaire avait, dans le plus grand des secrets, allumé une bougie, qui s’était alors retrouvée aux côtés de l’un des rideaux. Une petite flamme, qui a maintenant envahi un grand espace ; il ne lui a fallu que quelques minutes, pour passer d’un tissu à un autre, d’une planche de bois à une autre. Une fois la diversion en place, le vrai jeu commençait. Le jeu qui allait décider du restant de sa vie.

Sans succès, Septa Cordélia tentait de calmer les apprentis face à elle. Ils allaient dans tous les sens. Certains fuyaient le Septuaire, d’autres voulaient sauver leurs amis et avertir des septons, puis les plus héroïques cherchaient de l’eau pour éteindre les flammes. Alors que la discorde était à la hausse, Ursula en profita pour aller au sous-sol. Personne ne l’avait remarqué, étant donné qu’ils étaient tous occupés avec leur propre survie. Sans surprise, la fer-née n’était pas apeurée, car elle s’était imaginé ce scénario une centaine de fois. Elle avait prévu chaque détail et chaque problème, le tout dans sa tête. Elle a planifié ce coup depuis des lunes.
La fer-née savait que Cordélia quittait ses appartements à midi pour déjeuner dans les jardins, alors elle en profita pour lui voler une grande quantité de gemmes, qu’elle cacha à l’entrée du sous-sol. Cordélia ne pourra jamais s’en plaindre aux autres Septons, ni publiquement ; elle n’était pas sensée posséder de tels bijoux. Sachant que le vieux septon s’endormait après qu’elle lui lisait, Ursula en profita pour lui voler ses clefs. Finalement, et après avoir observé que Gladys se changeait toujours avant le dîner, Ursula profita de ce court moment pour fermer la porte de sa chambre à clef. Ses hurlements de souffrance se joignirent assez rapidement à l’orchestre macabre qui se déroulait au Septuaire, rendant ses membres encore plus irréfléchis.
Arrivée à l’entrée des sous-sols, la Volmark attrapa son sac de trésor et pris la fuite. Chaque seconde était comptée, et le Dieu Noyé savait à quel point sa fidèle était rapide. Enfin, Ursula était arrivée face au passage menant aux égouts. Elle s’y glissa simplement. C'était ici sa libération.

00 :11
Quelques heures plus tard, Ursula se retrouvait à la même plage où elle a été sauvée. Jetant un dernier coup d’œil au Septuaire qui surplombait la cité, Ursula remarqua que les flammes étaient éteintes et que les lieux n’étaient pas complétement détruits. Elle en fut soulagée. Même si elle ne se l’est jamais avouée, la fer-née a développé une certaine affection quant à certaines personnes du Septuaire, s’étant faite quelques amies. Car en dehors de quelques individus corrompus, les religieux étaient bon. Charité, bonté, modestie... Ils suivaient ce que leurs dieux leur disaient.
Pivotant son visage vers la mer, la brune aperçut avec joie la barque envoyée par son frère afin de l’amener chez elle. Durant ces dernières lunes, lui aussi a été au travail ; il empoisonnait lentement leur père, jusqu’à le rendre tellement maladif qu’il ne pouvait plus quitter son lit.

IL Y’A QUELQUES JOURS…
Sous le coup de la fatigue, la brune s’était endormie dans la barque. Lorsqu’elle s’est réveillée, elle était à quelques minutes de toucher terre et d’arriver à la résidence familiale. Elle se réunit avec son frère ; un moment touchant, qui semblait étrangement faire oublier aux résidents de l’île la situation dans laquelle se trouvait le vrai Lord Volmark. En effet, maintenant, tout le monde se fiait à ses enfants. Le retour légendaire de Lady Ursula Volmark venait encore plus ajouter au mythe du duo. Les jumeaux, de leur éloquence certaine, réussirent à séduire les soldats et population Volmark et de les rallier à leur cause. Leur prochaine étape était claire ; ils partaient à l’aventure, vivre la vie des fer-nés.

PRESENT…
Maintenant, Ursula et son frère, toujours en vue d’accomplir leur destin, se sont arrêtés à Dorne, où ils comptent rencontrer le Lord Timbal.