Une fois que la menace du garde fut écartée, ombre menaçante planant derrière la porte, Dovna avait repris sa respiration comme si elle avait été en apnée durant quelques secondes ; une main sur son buste gonflé par un souffle rapide, elle avait offert un sourire soulagé à son amie avant de la rejoindre devant le boudoir, s’affairant à peigner ses cheveux avec grand soin. Delylah était assurément une belle femme —trop pour être l’épouse d’un tel homme, et la blonde était partagée entre la joie éprouvée lors de ce moment partagé, et le fait de se dire qu’elle apprêtait la Mallister pour que celle-ci plaise au fer-né. Tandis que cette pensée cheminait dans son esprit, elle avait lancé un bref sourire à Delylah tout en nouant ses cheveux en une tresse élégante, ne voulant surtout pas ternir les derniers bons sentiments qu’il lui restait. La malheureuse était suffisamment en mauvaise posture…
« Cela ne doit pas vous attirer d’ennuis, Delylah. Tâchez de penser à vous, d’abord… Je crains que nous ne soyons qu’au début de nos peines. »
Le collier, précieux ouvrage encourant sa gorge comme le dernier rempart infranchissable, comme le dernier lien avec les siens, sa vie d’avant et son identité ; l’épouse prisonnière lui offre quelques caresses en évoquant son père, ses mots ricochant dans les pensées de Dovna qui entrevoit le sien dans son esprit et, sentant ses paupières s’emplir de larmes, elle s’efforce de le contenir pour ne pas craquer devant Delylah.
« La plus belle chose qu’il vous ait offert c’est l’amour que vous avez reçu… Il est là, votre héritage. »
Essayant de la réconforter du mieux qu’elle pouvait, Dovna fut heureuse de voir que la coiffure confectionnée par ses soins lui plaisait ; mais lorsque le garde fut évoqué, la Colombe avait joint ses mains sur le devant de son corps tout en haussant vaguement ses épaules, n’ayant pas de réponse précise à lui fournir sinon qu’elle était terrifiée par ces envahisseurs violents.
« Ils sont imprévisibles… Ils me terrifient. Vous avez eu beaucoup de courage de lui parler ainsi. »
Pressant ses lèvres l’une contre l’autre dans un sourire admiratif, Dovna s’était par la suite reculée de quelques pas en écoutant les mots de la maîtresse des lieux. Ranger les robes, oui, ça elle pouvait le faire… Mais en porter une… Devenant soudainement pâle, elle avait longuement papillonné des cils avant de lui répondre, hésitante :
« J’apprécie votre bonté, Delylah mais… Ne croyez-vous pas que Manfyrd sera furieux en découvrant que vous avez offert une robe à une esclave ? De plus, il pourrait croire que je vous l’ai volée… »
Refusant de subir —une nouvelle fois, le courroux de ces hommes impies, Dovna avait secoué son visage de gauche à droite avant de se décaler sur le côté dans un sourire frêle, commençant à plier (un peu maladroitement) les robes de la belle brune.
« Mais j’apprécie votre générosité, Delylah… Elle vous honore, tout comme votre courage. »
Espérant ne pas l’avoir froissée en refusant sa proposition, ayant bien trop peur de la mettre en danger pour l’accepter, Dovna lui avait adressé un sourire suave et un regard appuyé avant de lui demander, tout en continuant de plier son linge :
« Devez-vous partir maintenant ? »

Dovna savait qu’elle partageait, en cet instant, l’un de ses rares moments de paix ; il fallait le vivre avec urgence et le chérir le plus possible, car les mauvais souvenirs viendraient très tôt le ternir. Elle regrettait de ne pas avoir connu Delylah avait cette tragédie, loin du tumulte et du malheur, pour apprécier plus longuement la compagnie féminine qu’elle était ; ayant très tôt été privée d’une mère et ayant grandi avec seulement deux frères aînés, la blonde savait fort bien combien la présence d’une amie peut être précieuse.
ㅤㅤLui adressant un sourire suave, Dovna avait glissé sa main sur son épaule tout en observant le collier qu’elle portait avec fierté mais aussi avec crainte, redoutant le jour où une main impie viendrait lui arracher.
« Ils ne pourront jamais tuer qui vous êtes, Delylah. Ils ne pourront jamais effacer le fait que vous êtes une Mallister. »
Ou peut-être que si, le pouvaient-ils… Mais Dovna voulait continuer à penser que non. Mordillant le coin de sa lèvre, Dovna avait fini par s’éloigner de la jolie brune pour jeter une oeillade à l’extérieur, joignant ses deux mains sur le devant de son corps tout en se perdant quelques instants dans ses pensées, avant d’être rappelée à la réalité par son amie. Ainsi, subissait-elle véritablement la méchanceté de cet homme devenu Seigneur par le crime… Le coeur gonflé d’une émotion étreignante, Dovna avait pincé ses lèvres tout en baissant les yeux sur ses pieds, ne sachant que dire ou quoi faire pour apaiser les tourments de Delylah. Que pouvait-elle dire ? Que pouvait-elle faire ? Gardant le silence, essayant de se persuader du fait que son alliée était une femme courageuse qui aurait suffisamment de force pour lui survivre, la blonde l’avait suivie du regard en écoutant attentivement ses paroles concernant la robe qu’elle pouvait prendre ; cela la gênait grandement, premièrement car son titre ne lui avait jamais soufflé l’idée qu’elle doive emprunter les vêtements d’une autre femme un jour mais, d’autant plus qu’il s’agissait là de son amie. Néanmoins, le geste la touchait grandement… Delylah était si généreuse.
« Oh, Delylah… »
Émue, Dovna avait accueillie la belle brune dans ses bras et l’avait serrée avec une force appliquée, désireuse de lui témoigner toute sa gratitude et son soutien.
« Prenez-soin de vous ma chère… »
Lui souffla-t-elle en se détachant, prenant néanmoins ses mains dans les siennes tout en lui offrant un sourire tendre, mais triste. Delylah allait rejoindre le monstre… Oh, comme elle aurait aimé pouvoir la garder dans cette pièce avec elle pour la protéger. Mais malgré toute sa bonne volonté et son amitié, Delylah fut obligée de sortir, quittant la pièce pour rejoindre celui qui s’était imposé comme son époux. Essuyant alors le coin de ses yeux perlés, Dovna avait entreprit de choisir une robe dans l’armoire de sa comparse : choisissant une qui n’était point bleue pour lui laisser ce lien avec sa famille, Dovna avait jeté son dévolu sur une simple robe beige, à laquelle elle avait donné quelques coups de ciseaux comme l’avait conseillée Delylah. Après quoi, Dovna avait pris le temps de ranger la pièce et de nourrir le feu pour que son amie retrouve une pièce chaleureuse ; une fois sa mission accomplie, elle était sortie à son tour de la chambre, en espérant que la Dame des lieux se portait bien, et qu’elles auraient l’occasion de se recroiser bien vite.