Aspasia ne pouvait rester trop longtemps dans un même endroit. Si la sédentarité était une qualité pour les Lady et les Septa, elle ne l’a jamais été pour les Sorcières. Elles ont toujours quelque part où être, quelque chose à faire, ou quelqu’un à fuir ; ou les trois en même temps, comme est le cas de la rousse. La survie de la Loge ne dépendait maintenant que d’elle et de ses talents. Elle s’embarquait peut-être dans une mission suicide, mais il valait mieux mourir l’épée à la main qu’en exil. Et puis, peut-être qu’avec un peu de chance, tout ça servira à rétablir la Loge, ou à sauver ses membres.

Vivesaigues a été informée de son départ. Elle prétextait devoir partir au Nord, pour refaire son stock d’ingrédients rares. Personne ne pouvait la retrouver, là-bas, et personne ne voudra aller la chercher dans le désert arctique qu’étaient les terres des Starks. Alors, c’était l’excuse parfaite. Loin des regards amicaux, et des regards de ses adversaires. En réalité, Aspasia allait à l’Est. Vers les Cités Ghiscars, plus loin que les cités libres, et la grande mer Dothrak. Une entreprise risquée, certes, mais c’est ce qui devait être fait. Pour la Loge, pour ses sœurs et elle, et pour leur mentor.

Dans sa chambre, Aspasia semblait faire ses bagages. Elle n’avait pas beaucoup de vêtements, mais avait beaucoup de potions- et d’or. Travailler pour le Lord Tully était certainement plus lucratif que de jouer à la guérisseuse de village. C’était beaucoup plus reposant, aussi. La peau de la sorcière brillait, et ses cheveux dansaient à ses mouvements ; elle était habituellement plus misérable, et ses ongles assombris par la saleté. Une fois sa valise finie, Aspasia la referma, pour pivoter vers la porte de sa chambre. Elle était vêtue en une tenue de voyage assez simple, dans des tons bleus et verts. Elle portait également des gants et une longue cape, mais aucun bijou. Elle ne pouvait simplement pas attirer de l’attention sur sa personne. Là dehors, elle ne sera pas Aspasia la sorcière, la guérisseuse ou l’amie des Tully. Elle sera simplement Aspasia, la marchande.

(c) mars.

A vrai dire, Aspasia avait évité le sujet avec tout ses proches. Que ce soient les servantes, avec qui elle était amie, ses apprenties, ou même les Tully. Mentir à la cour et répandre des rumeurs était une chose, mais mentir aux personnes qu’elle aimait était une autre. C’était peut-être pour cette raison que leur mentor leur a toujours interdit de trop s’impliquer dans les affaires des royaumes et cités. Pour s’éviter ces situations embarrassantes et rester innommées et oubliables. Mais est-ce que partir comme une voleuse était la solution ? Certainement pas. Pourtant, un choix devait être fait. Entre mettre en danger l’avenir de la Loge, ou de paraître comme un personnage détestable aux yeux de Vivesaigues, le choix était vite fait. Alors, elle omettait le sujet constamment, pendant ces deux semaines pendant lesquelles elle finalisait ses préparations.

Mais elle ne pouvait plus l’éviter.

« Entrez. »

Sûrement un garçon des étables, venu prendre sa valise. Aspasia l’attrapa dans sa main, et se tourna vers la porte, avant de la relâcher par terre en voyant qui était là : Roslin. Décidément, plus rien ne lui échappe. Autrefois, la sorcière aurait été fière de sa vivacité d’esprit, mais cette fois, elle aurait peut-être préféré qu’elle soit dans l’ignorance, ne serait-ce que pour quelques heures. Son cœur rata un battement, mais elle ne se permit pas un long moment de faiblesse.

« Oui… Oui, c’est vrai. J’y vais pour des plantes, des minéraux, des parts d’animaux… Qu’on ne retrouve que là bas. »

Rien d’inusuel ; c’était presque ennuyant. Partir au Nord pour cueillir, miner et chasser dans le froid. Au moins, c’était réaliste. Mais Roslin avait bien raison de penser la mission dangereuse. En plus des fer-nés, il y avait les conditions météorologiques et les bêtes sauvages ; et seuls les Dieux savent ce que cachent les grandes forêts du Nord.

« C’est que je… Je ne voulais pas t’inquiéter, Roslin. Ce voyage sera… Long. Je ne sais pas quand je pourrais revenir, ni ce qui m’y attendra. »

Ni si elle pouvait en revenir vivante, tout simplement. Elle avait l’air désolée, dans sa voix. Comme si elle ne voulait pas vraiment entreprendre ce voyage. Après tout, abandonner Vivesaigues pour cette aventure qui durera des semaines voir des mois lui semblait assez effrayant. Elle ne parlait pas la langue, à Meereen, et ne savait pas à quoi ressemblait leur cité. Comment allait-elle y retrouver Corvenius ? Y penser la rendait anxieuse et stressée. Mais au lieu de le montrer à la petite, elle étendit ses lèvres pour arborer un sourire triste.

« Mais je reviendrais dès que je peux. Avec des présents et des histoires à raconter. »

Autrefois, la mention de cadeaux suffisait à faire avaler le tout à Roslin. Mais cette technique marchera-t-elle encore, maintenant qu’elle a grandi ?

(c) mars.